C'est d'abord, visuellement, une histoire ou une affaire de charisme, c'est-à-dire : une affaire ou une histoire de gestes, de regards adressés à personne et qui semblent destinés à chacun plutôt qu'à tous. C'est une histoire de vision ou tout autrement une histoire de scansion, une manière de scander des textes sur de la musique. C'est l'antithèse du slam en ce sens que ce n'est pas une voix qui s'écoute elle-même. C'est, au contraire, une voix qui n'existe qu'en relation avec la musique dans l'espace et dans le temps de laquelle elle coexiste. C'est de la physique l'articulation et de la gesticulation. C'est une histoire de chansons de gestes. Articulation de la diction de la voix elle-même, de la voix avec la musique et gesticulation du corps du chanteur qui se sert du texte comme d'un instrument, pouvant même abandonner le microphone pour dire directement son texte au public, laissant ses mains son regard dire ce qu'il y a à dire.
Ainsi : entre les deux toms basse harcelés du batteur, les deux guitares exacerbées jusque dans les "quiet songs" et la voix sombre, grave, culturellement saturée, tout se tient et tout s'entretient, s'appelle et se rappelle l'un à l'autre. Tout s'entretient et forme ce corps musical —
Enablers — dont l'extrémité serait la voix, phénomène sonore, sorte de force d'appel, de point d'appui pour une musique qui exige beaucoup de l'auditeur, mais qui, dans le même temps, exactement dans le même temps, lui donne tout.
C'est donc comme ça que ça se passe : aux salves rythmiques aux coupures métalliques des cordes des guitares aux assauts mouvants de la voix répond le corps du public, uni ou désuni, mais toujours en réaction à une musique qui ne le lâche pas, mais le hache, le happe, l'absorbe.