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Gang Gang Dance + Man

: @ Mains d'oeuvres - 11/05/2006



Notre compte rendu

Quelqu'un a dit que le sublime se reconnaît à l'effroi qu'il inspire, parce qu'il offre à la sensibilité d'appréhender spontanément une totalité qui remet en question notre habitude à percevoir les choses fragmentairement. L'inventivité et l'audace permettraient de réaliser l'art comme ce qui permet de faire exploser les limites de l'esprit humain.
Une explosion… C'est - à peu près - l'image la plus fidèle qu'on peut former pour rendre compte du degré de l'énergie dégagée par Gang Gang Dance le 11 mai 2006, Salle Mains D'œuvres à Saint Ouen. Leur dernier album, God's Money, contentait déjà les oreilles avides de nouveauté dotée d'orientation et de dynamisme… En live, Gang Gang Dance ajoute à cette créativité au départ déconcertante une intensité tribale contagieuse et lancinante, et parvient progressivement à faire respirer son public à l'unisson, en un souffle surpris, désorienté, et en même temps embrasé d'enthousiasme.
Bien que cette musique apparaisse comme peu accessible, c'est justement par la brutalité de son interprétation scénique que Gang Gang Dance parvient à transformer sa prestation en un déchaînement paroxystique permanent, en un brasier où se côtoient toutes les influences, et tout ceci maîtrisé d'un bout à l'autre. La violence combinée du batteur et du claviériste, qui s'occupe aussi des rythmiques électro, permet d'orienter les expérimentations vocales de Liz Bougatsos, une pédale de delay collée sur le pied de micro, à portée de main, vers un climat incantatoire et jouissif. Démultipliant sa voix à l'infini, Liz dépasse le mélodieux pour exposer au grand jour le résultat d'une technique vocale alliant les aptitudes pour nous trop inconnues des chanteuses orientales, à une impressionnante liberté dans le champ de sonorités développé. Tour à tour fluette comme une voix d'enfant au milieu d'un tonnerre tribal, puis grimaçante au possible, rompant toute harmonie au profit d'un emportement hypnotique, cette voix se fait comme le point d'appui de cet univers abandonné à la spontanéité d'une énergie vitale agressive et entièrement tournée vers son achèvement le plus extrême, achèvement qui passe par l'adhésion de tous au mouvement de fauve d'une musique qu'on ne peut caractériser qu'en dansant. On apprécie la vie, le déchaînement incomparablement transporté qui se dégage autant dans la voix que dans les autres instruments, dans les conditions live.
Avec Gang Gang Dance, la nouveauté se fait audacieuse impulsion, qui s'intègre à la respiration comme si elle sortait de nous, en même temps qu'elle nous arrache à tout ce qui est connu et rassurant, afin de nous poser devant une autre façon d'être musicien, une autre façon d'orienter le monde sonore.
Cette ouverture à l'infini des possibilités d'évolution de la musique est l'impulsion qui orientait Man, première partie de ce concert, expérimental aussi mais sur un mode moins visiblement " investi " ; autant la musique se faisait corps et ardeur chez Gang Gang Dance, autant les deux membres de Man, groupe de post-rock/electro nantais, ont semblé la soustraire à la maîtrise du spectateur, par un subterfuge diversement interprétable.
En effet, leur stratégie consista à projeter devant nous un film, muet, à l'histoire captivante, qui traitait de l'idéal du héros d'un jour, pendant " une " guerre de Sécession… Le Mécano de la " Général " de Keaton, 1926. Et nous, public à la fonction scopique hypertrophiée par notre culture du " voir et consommer "… tous nos yeux étaient tournés vers l'écran… et ont abandonné la scène, côté gauche…où nos deux artistes se jouaient de la situation de concert où l'attention est normalement entièrement centrée sur les interprètes, et fabriquaient en artisans discrets, ou en mages voulant garder les arcanes de leur pratique, l'univers musical qu'ils avaient décidé d'apposer à ce film ; ce qui était d'autant plus intéressant que les images et leur âge apparent appelaient une musique de l'Hollywood des débuts : les expérimentations audacieuses des musiciens furent peut-être un moyen de sortir le film de son contexte pour le goûter d'une manière nouvelle. D'une certaine manière, il peut paraître dommage que les expérimentations sonores aient été sciemment reléguées au rang de notes d'ambiance par les musiciens eux-mêmes, mais on peut également apprécier le relief qu'a ajouté à l'écoute de ces sons inconnus (par exemple, une basse manipulée non avec un médiator mais une… assiette de métal) l'effort dont il fallait faire preuve pour s'arracher à l'hypnotique et générale préférence pour l'image qui s'est révélée pendant ce concert…
Ou peut-être ce concert aura-t-il permis de constater une nouvelle fois à quel point la dimension presque théâtrale de la musique interprétée en concert est cruciale pour que le mur entre le public et la scène ne retienne pas la profondeur extrême et tribale de ces heures d'écoute et de don.

Interview de Man par Autres Directions en 2003

par Lou
le 13/05/2006

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