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Cheveu

: Cheveu a un album BUM!



En quittant l'adolescence, Cheveu se risque aux joies de la maturité. Rupture ou expérimentations renouvelées?

Troisième album du groupe Cheveu, qui signe une nouvelle fois avec le label Born Bad, BUM symbolise une évolution décisive, sans aucun doute l'album de la maturité, avec un son plus travaillé, moins crasseux. L'hérésie est telle que ce trio nous offre en ouverture un Pirate Bay quasi pop. Heureusement, on retrouvera peu à peu les Cheveu d'autrefois, des samples, des mélanges boites à rythmes/guitares improblables, des extraits de films ( dans Polonia, sans doute un des joyaux de ce nouveau cru).

Comment passe-t-on de l'univers garage à l'univers studio sans se perdre ? Réponse par le groupe Cheveu lui-même.

La première question concerne l'enregistrement de l'album car, contrairement aux deux précédents, celui-ci a un son beaucoup plus propre, et un premier morceau presque pop. Cette évolution a-t-elle été choisie et est-elle pleinement assumée ?

Étienne Nicolas (guitare) : Oui, c'est choisi. D'abord, il y avait l'envie pour l'introduction de changer par rapport aux deux albums précédents qui commençaient avec des trucs plus énervés. On voulait inscrire l'ambiance générale du disque qui est plus posée, plus paysagère, et qui offre plus d'espace. Ça illustrait bien le disque. Pirate Bay est un peu une invitation au voyage.

Olivier Demeaux (clavier) : C'est le premier disque qu'on a fait en studio. On est devenu intermittent après le précédent; on s'est donc retrouvé tous les trois à répéter tout le temps en studio alors qu'avant on bricolait les morceaux après le boulot.

David Lemoine (Chant) : Avant, on avait l'habitude d'enregistrer dans des caves ou chez nous. Ce qui donnait l'identité un peu lo-fi du groupe qu'on perd sur celui-là. Au profit d'un autre truc sans savoir encore où ça va nous mener.

Étienne : Cétait aussi la volonté de montrer qu'on pouvait se détacher de ce truc lo-fi, et de se marrer, d'essayer autre chose, en profitant des « énormes » budgets de Born Bad.

Olivier : On voulait voir si on pouvait faire du Cheveu sans faire du son cra-cra, plus garage, compressé. Je pense que oui. On a fait comme à l'ancienne. On a fait une maquette. Puis on est allé en studio pour enregistrer. Quelque chose de plus live. Du coup, il y a très peu d'edit de fait sur les instrus. C'est tout d'un bloc à chaque fois. Après il y a les arrangements. Et on a bossé à fond. Avant je me chargeais des mix, je faisais tout, et là j'ai travaillé avec les mecs du studio, en ping pong, on s'échangeait les fichiers. On a travaillé avec eux de l'enregistrement à la fin.

Étienne : Et la grosse plus-value c'est que ces mecs viennent plus du hip-hop et de tout ce qui est funk début 80'. Du coup, il y a eu vraiment un travail sur les boîtes à rythmes pour les faire sonner comme il se doit.

David : Surtout qu'on avait utilisé à outrance les boîtes à rythme des claviers Casios dans les précédents albums, du coup il fallait changer de matos. Alors, on a repris à zéro avec des pistes séparées. Avant on faisait avec des pistes monos.

Vous avez mis combien de temps pour composer et enregistrer l'album ?

Étienne : Super longtemps. Deux ans. Car en fait pour les disques précédents, il nous restait toujours un peu de matériel, des morceaux des face B qu'on remettait sur les disques. Et là, on n'avait plus rien. Alors, ça nous a fait marrer de repartir à zéro en ayant la volonté d'avoir un son différent. Du coup, on a enregistré quinze titres et on en a choisi dix.

David : Et en même temps qu'on a composé ce disque, on faisait une BO pour un film, Les Apaches, qui était à la quinzaine des réalisateurs à Cannes cette année et ça nous a un peu influencé. Car dans le travail de BO il y a quelque chose d'un peu plus visuel. Il faut aussi plus de longueur, du coup il y a des formats qui s'allongent sur le disque.

Est-ce que c'est ce travail sur la BO qui vous a donné l'idée de reprendre un extrait de film de Blier (Buffet Froid) dans Polonia ?

David : Ça pour le coup c'était un truc d'ambiance, je trouvais que ça marchait avec les paroles.

Etienne : C'est un vieux truc aussi chez nous le sample de texte de films.

David : Oui depuis le premier album, c'est un truc qu'on fait régulièrement. Et c'est assez marrant la transposition de films où généralement je garde la même intonation. Et résultat quand on colle le truc sur une chanson ça fait quelque chose d'étonnant, car ce n'est pas une diction de théâtre, ce n'est pas non plus une diction de rap, c'est une espèce de truc joué, ça créé une distance un peu marrante.

Comment s'effectuent les compositions des morceaux ?

Étienne : Depuis le début, ça a toujours été de longs jams interminables qu'on enregistre. Après il y a un travail de découpage pour rassembler et constituer des morceaux. Là, comme on avait plus de temps on a réécouté, on a fait le travail de collage en composant, et c'est comme ça qu'on est arrivé en studio avec les morceaux déjà tout faits, au moins la base instrumentale.

Olivier : Après, il fallait compléter par les voix, les arrangements, et ensuite le mixage final au studio. On a enregistré en novembre 2012 et on a fini le mixage en 2013. Entre temps, on a fait la BO qui nous a bien pris deux mois.

David : C'est ça aussi qui fait la richesse des morceaux, c'est la juxtaposition de tous ces éléments. Un mec tout seul qui aurait composé toutes les lignes de l'album n'aurait pas pensé à trouver des trucs qui se rapprochent et qui font des trucs un peu bizarres.

On sent dans vos morceaux un paquet d'influences ou au moins de rapprochements possibles. Pouvez-vous dire de quels groupes vous vous sentez proches ?

Étienne : C'est marrant, depuis qu'on fait Cheveu on nous a collé plein d'étiquettes, surtout au début. Même des groupes qu'on connaissait même pas, qu'on n'avait jamais écoutés. Je me rappelle avec le premier disque c'était Métal Urbain, qu'on ne connaissait que de nom. Après on a des affinités avec des groupes avec qui on a tourné, qui ont la même démarche que nous, mais qui font des choses différentes. Mais on n'a pas de modèle en fait. C'est l'intérêt de faire des choses différentes.

Olivier : Après dans les trucs déconnants qu'on aime bien, que ce soit avec les photos, les couvertures, quelque chose qui se veut un peu léger, il y a des groupes comme Beastie Boys. L'idée de trio, de mecs qui se déguisent, qui passent du hip-hop au punk rock.

Pouvez-vous décrire l'atmosphère générale de l'album et ce qui les différencie des deux autres ?

Étienne : Dans l'ambiance, il y a peut-être quelque chose d'un peu plus renfermé. Les deux premiers étaient vachement ricains, avec l'enregistrement garage. Là il y a un truc plus de studio, le son est devenu plus large, peaufiné d'une certaine manière et le son a même influencé ce que David raconte, il évoque des voyages, des paysages imaginés dans sa chaise, quelque chose un peu tristoune d'un mec qui rêve d'ailleurs. Dans ceux d'avant il y avait quelque chose de plus juvénile, on était dans l'élan de la découverte.

David : Là il y a plus un plaisir du son, d'attachement aux mélodies. Ça a donc un peu perdu au niveau explosif.

Étienne : On s'est retrouvé dans des studios à la fois pour composer et pour enregistrer. Avant on était chez nous, avec la fenêtre ouverte sur l'extérieur. On s'est tout d'un coup retrouvé devant un mur. On ne fait pas la même musique quand on est en studio ou quand on est chez soi.

David : Du coup on développe beaucoup plus. Sur les autres albums, il y avait un côté coup d'éclat: en deux minutes, on sort un riff qui claque et on essaye de le mettre en valeur avec des techniques de production DIY. Là on prend vraiment le temps de dérouler des thèmes, les morceaux sont beaucoup plus rallongés, on met beaucoup moins de choses sur un disque.

Peut-on revenir sur le premier morceau, assez déconcertant, lisse ? Il faut attendre le second pour vous retrouver. Pourquoi ce premier morceau ?

(Réponse collective) : Il y a un côté contre-pied assumé. En faisant le morceau, on rigolait, on s'est quand même posé la question si on l'assumerait.

Étienne : Mais il y avait un côté naturel. On s'est pas forcé pour le faire.

Olivier : Ceux d'avant commençaient sur des morceaux plus noirs, et là on s'est dit on qu'on allait commencer par un truc vaporeux, bizarre.

David : Et qui soit cohérent sur toute la longueur du disque. Mais les morceaux sont tellement variés que ce n'est pas comme s'l présentait un thème à dérouler. Il donne la clé de lecture d'un son plus propre mais il ne résume pas l'album.

Après Pirate Bay, pouvez-vous évoquer Stadium, la chanson elle-même ainsi que le clip qui est le premier sorti de l'album ?

Olivier : C'est vraiment un clip fait à l'ancienne, présentant des images de la tournée de 1000 Mille. Une façon de faire lien entre 1000 Mille et Bum, y compris avec ce morceau.

Étienne : C'est ma copine qui a fait le clip, elle en a déjà fait pour le groupe, en fait il est fait à partir d'images d'archives.

David : Et comme on n'a rien sorti entre les deux albums et qu'il y a eu pas mal de changements, c'est cool que le clip fasse un peu lien avec 1000 Mille.

Olivier : Le premier morceau qu'on ait sorti en amont du disque c'est Polonia, qui fait aussi un peu le lien avec Bonne Nuit Chéri de l'album précédent.

David : On réserve quelques surprises pour la suite car on va mettre quasiment tous les titres en clip.

Vous utilisez régulièrement des chœurs dans vos morceaux. En quoi cette dimension vocale est-elle importante pour vos compositions ?

David : Sur ce disque on a bossé avec Maya Dunietz qui s'était occupée des violons sur les précédents. Sur celui-ci là on l'a fait bosser sur trois morceaux: Polonia, Monsieur Perrier et Johnny Hurry Up. Sur Madame Pompidou et Slap And Shot c'est des copines à nous. Ce sont différentes approches mais il y a plein de chœurs féminins, ça tranche avec les autres albums. Ça apporte un peu de douceur.

Olivier : C'est pas des chœurs rock'n'roll, c'est plus européen, un truc classique, plus d'église.

Comment tout cela va être retranscrit en concert ?

Olivier : Maintenant je me suis mis à l'ordi, et j'ai un truc qui s'appelle Machine, un genre de MPC numérique et qu'on a bossé avec les ingés sons. Du coup, nous avons mis à l'intérieur tous les arrangements y compris ceux des albums précédent.

David : Et il y a des trucs qu'on commence à jouer en se passant des samples. Certains morceaux passent bien dépouillés, même sans leurs arrangements.

On a beaucoup parlé du nouvel album, il est peut-être temps de faire un retour en arrière sur l'origine du groupe.

Étienne : On vient tous de Bordeaux. On se connaît depuis très longtemps. On a fait le lycée et la fac ensemble. On s'est retrouvé à Paris, on a commencé à jouer ensemble et on a créé le groupe en 2003. Ayant découvert un vieux Casiotone, un clavier Casio avec des boîtes à rythmes dessus, on a flashé dessus. On a vachement aimé le grain que rendait la saturation sur les boîtes à rythmes et on s'est dit qu'on allait faire un groupe autour de ça. Après on s'est retrouvé à faire des concerts un peu partout, on allait n'importe où.

Olivier : On a beaucoup joué en squat en 2004-2005. et il y a des mecs qui ont donné nos morceaux à des labels américains. Ca nous a permis de sortir un 45 T et de tourner aux Etats-Unis.

Étienne : On a été programmé dans un festival de l'Underground, le Gonerfest, un gros festival garage, on a rencontré Jay Reatard. Quand on est revenu en France, JB (Jean-Baptiste Guillot, fondateur du label Born Bad Records, ndr) nous a contactés, il venait de créer son label car il a vu une espèce d'émulation autour de nous, on avait un peu tourné aux Etats-Unis, et le 45 tour avait été bien reçu.

Est-ce que pour vous c'est important d'appartenir à un label comme Born Bad ?

Étienne : Ce qui est cool, c'est que mine de rien, il sort des choses très différentes, et par exemple plein de rééditions. Le mois dernier par exemple, il a sorti Mobilisation générale, je n'ai pas pu l'écouter à fond mais ça a l'air super bien. Ou par exemple des trucs qu'on n'attendrait pas forcément dans ce label par exemple Françis BeBey. Et puis on a tourné avec les autres groupes, c'était des supers plateaux, il y avait une bonne émulation. C'était souvent des concerts complets dans des petites villes. Dans ces cas-là, les gens ramènent d'autres gens.

Olivier : Et maintenant on le connait super bien, JB est devenu un super pote.

Étienne : C'était super de commencer avec lui, de continuer pour faire trois disques. Là, il a vraiment joué son rôle de producteur, il a vraiment investi la partie studio, tous les arrangements. Il nous a vraiment soutenu.

David : Quand on discute avec des mecs qui sont en major, des petits groupes, les budgets de prod ont tous hyper chuté, ils ont tous été revus à la baisse. Même en vente de disque, ça devient difficile pour un groupe en développement d'atteindre les 10000 exemplaires et finalement on arrive à vendre autant voir plus. À la rigueur, le seul avantage qu'on pourrait trouver dans les majors serait en termes d'affichage, de com, de soudoyage de mag comme Les Inrocks, et bien on voit que là aussi ce modèle est quasi fini. Et donc on est bien content d'être chez JB. Il y a un vrai truc avec du fond et en plus de ça il nous soutient complètement.

Comme on a beaucoup parlé de l'aspect visuel de votre musique, pouvez-vous choisir certains morceaux qui serviraient de musique de film ?

David: Par exemple, Polonia avec Buffet Froid, ça marche à fond même si il n'y a quasi pas de musique dans le film. Ce renvoi est quasi automatique.

Olivier : Il y a aussi Monsieur Perrier et Le Grand Restaurant avec Louis de Funès. Dans le disque, il y a quelque chose d'assez 70, on a des références qui sont en prise, Madame Pompidou, Blier. Et même en termes d'arrangements, de voix. On aime bien les blagues, du coup De Funès c'est bien. Et avec Blood And Gore, il y a un truc à la Massacre à la tronconneuse et L'Exorciste, avec un truc un peu religieux, ésotérique. Pirate Bay ça peut être La Planète Sauvage. En fait pour Pirate Bay, on va faire un clip en dessin animé avec Pierre Ferrero qui est vachement inspiré par Moëbius et par celui qui a fait La Planète Sauvage, René Laloux.

Pouvez-vous définir votre groupe en cinq mots ?

Pierre, Feuille, Ciseau, Puit, Restaurant.

Avant de se quitter le groupe tient à préciser : « on tient à ce qu'on dise l'album BUM ».




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