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Pierre Berthet

: Interview avec Pierre Berthet



C’est un jardin, où poussent des roses, de longs saules tristes, et, au milieu, un bananier. Un homme y est caché, avec un micro, faisant rouler sur un pot en fer des gouttes d’eau qui tombent régulièrement. On doit écarter doucement les palmes pour observer le faiseur de sons, et par notre geste, ce bruissement de feuille, nous participons à l’environnement sonore. De même les pas sur le gravier, les chuchotements respectueux des curieux, les cris des oiseaux. Sous un arbre, à côté, Pierre Berthet et Xavier Charles, l’un aux machines, l’autre à la clarinette, inondent les lieux d’une aura sacrée. Le son de l'instrument à vent est mystérieux, coulée sonore et aquatique. Pierre Berthet, quant à lui, propage des résonances au travers de fils transparents, pendus dans tout le jardin, et reliés à des pots en ferraille. Une musique cristalline, translucide, qui confine à l’infrason. C’est une belle performance que nous auront offert les deux improvisateurs, à l’occasion de la première édition de Musiques de Rues, ce vendredi 6 octobre 2006. Rencontre avec le génial bidouilleur belge, dont la spécialité est le « prolongement » d’objets.

Comment est-ce que vous vous sentez maintenant ?
Oh très bien, et vous, comment allez-vous ? Non! (rires) eh bien je me sens comme d’habitude après avoir joué, c’est un grand soulagement, ouf, le trac est fini...

Et qu’est ce que vous cherchez à créer chez l’auditeur ?
(Réfléchissant profondément) Ah ça je ne sais pas… Je sais juste ce que je peux faire pour moi. Je propose quelque chose et puis chacun en dispose… Je crois que l’auditeur est le compositeur principal de la musique. Ce sont les oreilles qui travaillent, c’est l’auditeur qui invente vraiment ce qu’il entend.

Pouvez-vous développer cette idée : est-ce parce qu’il y a un espace et que l’auditeur intègre les sons de l’espace à la musique ? Est-ce qu’il y a une réflexion sur l’espace ?
Oui. Par exemple il n’y a qu’à bouger un petit peu la tête et la musique change. Chacun peut décider de bouger la tête et de changer la musique. Chacun peut décider de s’intéresser à tel petit son, qui est là quelque part, et puis de s’arrêter et de s’intéresser à celui-là, et puis revenir au premier, et puis faire un gros effort et écouter les deux en même temps ! (rires) Et puis tout à coup il y en a un troisième qui nous intéresse alors hop ! Il y a l’oreille qui file vers le troisième... et puis ah, voilà qu’on a oublié le premier... et qu’il faut le réinventer... Mais non celui-là nous ne l’inventons pas il était bien là... Et celui-là était-il là ? Tu vois ce genre de questions. La vie est comme ça, c’est un petit peu comme si on inventait sa vie tout le temps : la vie du monde est dans notre tête, elle est aussi dehors, mais elle est aussi en nous.

Comment est-ce que vous avez élaboré cette musique et comment est-ce que ça fonctionne ?
J’essaie de prolonger des instruments depuis une bonne dizaine d’années, j’ai prolongé d’abord des ressorts, des ressorts de locomotives, des ressorts de camion, je connectais ces ressorts à des fils d’acier, qui terminaient à l’autre bout par des bidons, que je disposais dans l’espace, et quand je frappe le long des ressorts, la vibration court le long des fils et les résonances sortent par les bidons. Après j’ai prolongé des cuves de compresseur, des espèces de cloches, et puis j’ai prolongé des pianos, et puis j’ai prolongé des hauts-parleurs, en enlevant un maximum de membranes pour qu’on l’entende le moins possible –une sorte de « bas-parleur », donc : je laisse juste la membrane nécessaire pour que ça puisse vibrer, et je pique dans le moteur des longs fils d’acier, connectés à d’autres fils d’acier. (…) Dans les bas-parleurs j’envoie des sinus principalement, des ondes sinusoïdales, qui sont les plus simples possibles, on ne les trouve pas dans la nature. Et puis j’avais un micro près de la rue et j’essayais d’attraper les sons des voitures, mais je crois que la pile est tombée plate aujourd’hui !

Est-ce qu’on pourrait qualifier votre musique de musique « ambient » ?
Ma foi, musique ambient pourquoi pas… On pourrait appeler ça du jazz aussi…

Et qu’est-ce que vous écoutez comme musique ?
Pour le moment j’écoute la messe de Guillaume de Machaut. C’est de la musique polyphonique du 13è siècle. (…) Mais les musiques religieuses ne m’inspirent pas parce qu’elles sont religieuses. Je ne suis pas mystique, je ne crois pas spécialement en Dieu et en tous cas je ne pense pas à Dieu quand je fais de la musique.


(Photo Hyacinthe Lorriaux)

Interview par Ether
le 03/01/2007

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