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Les Georges Leningrad

: Interview avec Les Georges Leningrad



Et nous qui nous faisions du mouron, en pensant que l’interview avec les Georges Leningrad allait être un vrai casse-tête –ces joyeux gai lurons ayant la réputation de mener en bateau les journalistes- . Eh bien pas du tout, ce fut un grand plaisir, un moment simple et drôle, entre humour et débat collectif… Si bien qu’à la fin on en oubliait qu’on avait tous un concert à voir ou à jouer, au Cylindre, salle défricheuse de talents à Larnod, près de Besançon. Voici donc les trois Georges, Bobo (batterie), Mingo (guitare, électronique), et Poney (voix), sans costumes et presque timides, avant qu’ils se soient tous changés en loups-garous…

Luigi Russolo disait : « Il faut rompre à tout prix ce cercle restreint de sons purs et conquérir la variété infinie des sons-bruits ». Ca pourrait être une devise pour vous ?

Mingo : Euh… pourquoi pas ! Tu me passes la feuille pour que je relise la phrase ! (rires) (Après un temps :) Oui, c’est assez représentatif de ce qu’on fait.
Bobo : Alors je vais y réfléchir, et je te réponds plus tard dans la conversation…

Il paraît que vous dites des choses contradictoires, incompréhensibles ou grotesques aux journalistes qui vous interviewent (dixit l’édition anglaise de Wikipedia: « contradictory, incomprehensible or ludicrous ») : c’est une philosophie ou alors vous pensez juste que les médias sont de gros méchants pas beaux ?

Bobo : On n’ a pas de ligne conductrice par rapport à ça, ça dépend des moments. On peut dire n’importe quoi, ou on  peut ne rien dire, on peut paraître idiots ou bien intelligents. Ca dépend du moment…
Poney : On aime le détournement/ contournement… Mais des fois on va directement au but, et des fois on contourne, ça dépend de l’humeur.

Quelles sont vos influences ?

Mingo : J’en ai, mais ça n’a pas vraiment rapport avec la musique ; je suis dans une période où ce sont beaucoup les films qui m’influencent. Là je suis dans une période où je retourne dans l’histoire du film québéquois des années 70-80. Mais tu m’aurais posé la question il y a deux ans, je t’aurais dit autre chose…

Vous écoutez beaucoup de musique ?

Mingo : De moins en moins… Je commence à apprécier le silence maintenant. Je ne sais pas pourquoi, peut-être l’âge, ou la sagesse qui s’installe…
Bobo : J’ai pas grand-chose qui me vienne à l’esprit maintenant… C’est comme par rapport à la question de tout à l’heure, je comprends le sens de la phrase, je comprends que ce qu’on fait c’est partir avec des bases que l’ on déconstruit mais c’est beaucoup plus physique ou primitif que réfléchi ou cérébral… Tu peux intellectualiser par la suite, je n’ai pas de problème avec ça, mais l’idée de base c’est quelque chose de régressif et de primitif. La phrase a l’air d’un petit jeu qui tourne en boucle : est-ce que les sons sont purs et on les déconstruit ou sont-il déjà comme impurs en partant et on les assemble et ça devient pur ? Moi je vois juste ça comme une toile de sons ou un paquet de sons purs et impurs …
Mingo : C’était pas notre but de réfléchir à ce que l’on fait, comme Russolo a pu le faire dans ses démarches artistiques ou musicales… On ne pense pas : « tiens on va prendre une certaine note puis on va la rendre comme laide ou belle », c’est plus instinctif. Il n’y a pas ces recherches comme celles de Russolo ou d’Edgar Varèse, ou Pierre Schaeffer, mais tant mieux si eux l’on fait. Ce qu’on fait ressemble plus à du vomi… C’est comme boire beaucoup puis être malade…
Poney : Moi je repense à quand j’avais 7 ans, on avait fait avec une amie dans son garage une maison hantée, puis on avait fait toute une scène avec des fantômes, des boules de cristal, une voyante… Mais la façon de le faire, c’était la même spontanéité, les projets qu’on faisait, on en faisait toujours des millions… Pour moi les Georges c’est la même chose. Il y a quelque chose qui s’organise, ça devient un concept mais il s’évente de lui-même… C’est vraiment un jeu, et puis derrière tout ça le plaisir, avant tout.
Bobo : C’est la rencontre de nos trois façons de faire qui donne ce résultat-là. On s’est jamais dit : « On va créer cette chose-là ». C’est pas comme si j’avais mis une petite annonce dans un journal disant « malade mental constructiviste recherche plasticien rossellinien et constructeur de maison hantée pour faire un projet intéressant pour aller en Europe. ». On s’est retrouvé ensemble et puis c’est devenu cette espèce de créature là, laide, comme on l’aime.

Pourquoi rock pétrochimique ? (zêtes tombé dans une bassine de pétrole quand vous étiez petits ?)

Poney : De la façon la plus simple je pourrais dire que cela nous dérangeait d’avoir 5 mots pour dire « rock alterno punk etc. » On a inventé notre propre contenant, notre propre boîte dans laquelle se mettre, parce que c’est très important de mettre la musique dans des boîtes, de la définir et de la classer.
Bobo : Et puis ces machins là, ces trucs et étiquettes déjà casés… Pourquoi ne pas s’en inventer ? En tous cas on invite toute la population à le faire, c’est bon pour le moral ! C’est l’idée d’imposer quelque chose, de voir à quel point cela peut faire sa marque ou son chemin, et puis je pense que cela en est la preuve puisque tu m’en parles !

Qu’est-ce que la danse –parce que vous êtes un groupe sur lequel on peut bouger son corps- représente pour vous ? Idem pour le fait de se déguiser ? Ou si vous préférez : comment est-ce que cela vous est venu ?

Bobo : Encore là c’est venu de façon assez naturelle. Quand tu te changes, quand tu te transfigures, tu arrives avec autre chose que ce que tu dis toute la journée… Tu peux faire tout ce que tu veux à partir de là…
Poney : C’est comme un enfant si tu lui mets un costume de gorille, il va changer instantanément de personnalité.
Bobo : C’est comme une idée de clan, on est comme des escrocs… Une famille d’affreux.

Qu'est-ce que cela change de vivre à Montréal pour vous? Etes-vous influencés par la scène musicale de là-bas ?

Mingo : Je n’ai jamais vécu ailleurs qu’à Montréal... C’est l’en dehors de Montréal qui m’influence, le côté désertique du Québec. Enfin non, ça ne m’influence pas du tout ! (rires)
Bobo : il reste qu’on est des Américains qui parlons français, et ça, ça m’influence, c’est sûr. J’en suis même un peu fier, d’être francophone, sans être en France ou en Belgique ! Nous sommes la rudesse américaine mais avec la sophistication de la pensée francophone…Il parlait du côté désert, et c’est vrai le Québec c’est rude, c’est gros, avec les sapins ça pique ! Il y a une belle âme au Québec, c’est énigmatique ! Et il y a encore tout à faire, c’est jeune, on dirait qu’on a encore plein de choses à construire.

Et au niveau de la scène de Montréal ? Vous connaissez les Silver Mont Zion, le label Constellation ?

Mingo : Honnêtement je les connais pas (les groupes de la scène montréalaise, ndlr), j’en connais peut-être deux ou trois… Les Silver Mont Zion et Constellation je connais rien rien rien, j’ai même pas écouté…
Poney : Moi je travaille dans un club, à la Casa del Popolo, où tous les groupes de Montréal sont passés. Donc oui je connais, mais par rapport aux Georges, j’ai toujours senti qu’on était un peu à part, qu’on appartenait pas à une scène. Mais tu sais ce sont surtout des gens qui viennent de l’extérieur ou du reste du Canada, qui sont anglophones, qui font des groupes. On est une bête à part…
Mingo : Les Silver Mont Zion ils ne viennent pas de Montréal, c’est comme Arcade Fire. Des vrais groupes Montréalais, des groupes de « souche » -sans être péjoratif-, qui vont jouer à l’extérieur et qui sont connus, j’en connais pas beaucoup. (Une polémique éclate à propos du mot « souche », Bobo s’insurge !)
Poney : La question c’est qu’il y a beaucoup d’anglophones qui se retrouvent à Montréal, ils se connaissent, et puis ça forme des groupes. C’est vraiment une micro-société à l’intérieur de Montréal.
Bobo : Mais il faut quand même reconnaître qu’il y en a une de scène, qui émerge et qui est forte. Mais nous on fait pas partie de ça ! Les Call me poupée ou Geneviève et Matthieu, c’est super bon, mais ça reste régional… ou Xavier Caféine… je pourrais en parler de lui mais il peut juste faire la France. (« xavier quoi ? » interroge votre fidèle enquêteuse…) C’est un chanteur de « rock-pop » (un peu gêné par l’emploi de catégories…), c’est mon ami et il est super bon mais il pourra jamais atteindre un niveau international parce qu’il chante en Français… Ca fait partie d’une scène de Montréal mais qu’on entend jamais…

Sangue Puro, votre nouvel album, est sorti il y a peu. Qu'est-ce qu'il a de nouveau? Qu’est ce qu’il vous a appris ?

Bobo : On dirait qu’il y a une plus grande cohésion, et puis en même temps, il est plus glauque, un côté aspirateur, claustrophobique. Je dis ça, parce que c’est un constat que j’ai eu moi-même en l’écoutant.
Mingo : Il a paradoxalement été fait avec des bases plus solides. Le groupe a vécu des histoires tragiques (et puis sadiques). Il est comme plus « tricoté serré » comme on peut dire…
Bobo : Chaque album est quand même une suite logique à un autre album. Le prochain truc sera toujours comme une réponse à ce que tu as fait avant. Par exemple, l’avant dernier, Black Eskimo, c’était comme une quête. Comme si ce qu’on avait découvert, on en avait été beaucoup étonné. C’était pas tout à fait ce qu’on pensait trouver. Donc ça a eu une répercussion sur Sangue Puro qui a donné quelque chose de plus sombre. Black Eskimo c’était la première fois qu’on se retrouvait à trois, on s’est dit « on embarque dans le bateau, on s’en va dans les grands vents, et puis on va le trouver le messie » et puis ce qu’on a trouvé c’était pas tout à fait l’homme dont on nous avait parlé au départ… Le prochain sera peut-être rigodon et musique traditionnelle !

Interview par Ether
le 27/11/2006

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