Après un peu plus de vingt ans de passion musicale menée tambour battant, je reste toujours friand de nouveautés et suis encore ravi de découvrir des choses. Et lorsqu'en plus d’excellents artistes, on me parle aussi de courants musicaux "inédits", je ne peux que difficilement cacher mon enthousiasme et mon envie de partager tout ça. Aujourd’hui, le "zoomergaze" et la "lostwave" seront donc au programme.
1997, Nottingham, Angleterre, Panchinko se forme autour de Owain, Andrew, Shaun et John. Après deux EP de noisy pop, d’innombrables fours et quelques concerts devant trois pélos, le groupe se sépare en 2001. Quinze ans passent, le petit projet de ces quatre amis est totalement tombé aux oubliettes mais, à Sherwood, quelque chose d’inattendu va se produire. Une copie de leur EP D>E>A>T>H>M>E>T>A>L se retrouve dans les mains d’un jeune homme fort intrigué par cette pochette au style manga. Curieux d’en apprendre plus sur sa trouvaille, il poste la chose sur le net, le livret ne comportant que bien trop peu d’informations. Le minimalisme sensible des compos se retrouve souligné par une bien étrange détérioration du disque, englobant le tout d'une sorte de moisissure sonore un peu particulière. Est-ce que cela a participé à l’attrait premier du disque ? Peut être... Qui sait ?
Toujours est-il que l’enquête sur l’origine de ce groupe injoignable parvient à son terme quatre ans après son lancement. Owain Davies est retrouvé sur Facebook, tout surpris de l’attention tardive qu’on lui porte, et refusant tout d’abord de satisfaire la curiosité des fans vis-à-vis d’une version clean de l’EP. Ça aurait pu s’arrêter là, bien sûr, mais si j’écris cet article aujourd’hui, c’est bien parce que ce ne fut pas le cas. D>E>A>T>H>M>E>T>A>L fut réédité, accompagné de sa suite encore plus inconnue Kicking Cars, puis encore de deux autres morceaux. La boucle étant bouclée, il fut temps d’avancer. Failed At Math(s) est donc le premier véritable album du projet, désormais officiellement reformé autour de Owain, Andrew et Shaun, les trois membres originaux, accompagnés désormais de Rob en renfort à la guitare et d’un nouveau John à la batterie, le premier ayant disparu des radars après s'être engagé dans l’armée. Nouvelle identité ou poursuite de ce qui avait déjà été esquissé par le passé ? Les deux mon capitaine.
Si le terme de "lostwave" définit toutes musiques dont les auteurs restes inconnus ou perdus (comme son nom l’indique), et dont l’esthétique semble hors du temps puisqu’impossible à rattacher clairement à quoi que ce soit, il ne s’applique plus vraiment à Panchinko. Le groupe est en effet actif et en pleine possession de ses moyens comme le prouvent les huit titres de cette belle livraison. Les trois premiers morceaux délivrent déjà de belles cartes pour conquérir son auditoire : après une magnifique chanson d’ouverture, on retrouve un peu d’électro hypnotique à la Boards Of Canada sur Portraits et son ample refrain, une touche d’Akira Yamaoka dans les guitares de Until I Know avant que l’interlude Breakfast Seance ne vienne saisir par son drum’n’bass endiablé.
Mais c’est plus loin que se revèle le sommet du disque, avec la beauté éclatante de Gwen Everest, grandiose pop song qui pourrait éveiller la jalousie de Slowdive ou The Cooper Temple Clause. La force émotionnelle est telle que la très accomplie fin du disque, naviguant entre la poésie du Smashing Pumpkins de la grande époque et la flamboyance des jeunes Coldplay, paraît presque en deçà. Presque, attention, rien de péjoratif dans ces termes puisque cet album n’a pas une seconde de trop, bien au contraire. Ça déborde d’envie et de talent, et c’est bien pour cette raison que je le rangerais davantage dans la catégorie "zoomergaze". Car si cette appelation désigne une musique faite par des jeunes de la génération Z, avide d’ingérer leurs influences shoegaze et plus ou moins deftoniennes, elle s’applique à mon sens pour Panchinko. En dépit de l’âge des membres du groupe avoisinant aujourd'jui les quarante balais, la fraicheur que l’on peut ressentir à l’écoute de Failed At Math(s) me paraît tout a fait analogue à l’aura de projets tels que Quannic ou Feeble Little Horse. Et puis au final… Ne dit-on pas : "peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ?"
Chroniqué par
Domino
le 24/04/2024