Sebadoh

L'un des albums rock que l'on attendait le plus cette année était bien celui de Sebadoh, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord car le trio américain est une figure de proue légendaire du courant lo-fi puis du rock dit alternatif lorsqu'il était voisin de label avec Nirvana et toute la clique grunge made in Sub Pop (Mudhoney, Tad..). Ensuite car Sebadoh a écrit en une poignée d'albums géniaux l'une des pages indie rock les plus exemplaires des années 90. Enfin parce que son prédécesseur Defend Yourself (2013) était, après 14 ans d'absence, un retour réussi qui n'entachait en rien leurs flamboyantes premières heures contrairement à d'autres ayant hélas cassé le mythe (The Pixies, The Smashing Pumpkins..). On retrouve ainsi nos gars avec Act Surprised, nouveau cru toujours aussi généreux (15 morceaux) et gagnant en efficacité au fil des écoutes.

Rappelons que Sebadoh est surtout une entité bicéphale née de la paire Jason Loewenstein/Lou Barlow, une sorte de Lennon/McCartney au pays des slackers et des bûcherons. Le premier est plutôt hargneux, le second est souvent romantique et le résultat des deux ainsi combinés débouche sur cette alternance de chansons rugueuses et/ou mélodiques parsemant toute leur discographie. Certes l'écart entre ces deux pôles, presque schizo frapadingue à leurs débuts, s'est réduit avec le temps tout autant que l'insalubrité bien crasseuse de leurs premiers enregistrements "homemade" mais Sebadoh sont loin d'être devenus des vieux rockeurs rangés et assagis. Si quelques chansons (de Lou Barlow, s'il fallait trouver un fautif) déçoivent par un mélodisme légèrement molasson, il faut bien admettre que tout le reste tient méchamment la route.

Act Surprised est notamment dynamité par un Loewenstein particulièrement inspiré, véritable distributeur de riffs noisy parfois à la limite du stoner, tantôt tordus tantôt tranchants (ses deux excellents albums solos en étaient également remplis, ils sont d'ailleurs à redécouvrir d'urgence). Toutefois cette énergie revitalisante ne semble jamais courir après sa jeunesse, elle a juste pris conscience de son âge avancé, s'y adapte et, à l'instar des derniers albums de Sonic Youth (Rather Ripped et The Eternal) ou plus récemment de l'ancien Pavement Stephen Malkmus, vise tout simplement un rock pépère guidé par la force du songwriting et ponctué par quelques soubresauts de violence afin de prouver qu'il y en a encore dans le moteur. En tout cas assez pour aller jusqu'au prochain album.