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Oxbow

: Thin Black Duke



sortie : 2017
label : Hydra Head
style : Art-Rock / baroque

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Tracklist :
1. Cold & Well-Lit Place
2. Ecce Homo
3. A Gentleman’s Gentleman
4. Letter Of Note
5. Host
6. The Upper
7. Other People
8. The Finished Line

Oxbow, dernier acte. Dernier mais pas ultime, même si ce Thin Black Duke dégage par son ambition nouvelle l'aura d'un finale en apothéose couronnant une discographie assez imprévisible mais finalement très cohérente qui démarre dans les glaviots du sludge et de la noise il y a de cela 30 ans. Et en 30 ans, le groupe de San Fransisco n'aura sorti qu'une poignée d'albums, sept en comptant celui-ci, peaufinant sur la longueur chacun d'entre eux avec l'exigence des grands artistes perfectionnistes. Ainsi, Thin Black Duke est en gestation depuis 2009 et a fini par devenir au fil des ans une véritable arlésienne. L'attente fut longue seulement voilà : n'est pas Radiohead qui veut, et déplacer tout un attirail de musiciens professionnels aux cordes et aux cuivres sous la houlette du grand producteur Joe Chicarrelli lorsque l'on est un obscure groupe fauché, cela prend forcément plus de temps. Mais les américains ont bien eu raison de se ruiner pour servir l'Art avec un A majuscule (imaginez un peu, ils ont même réalisé deux clips assez classieux dans la foulée !) car le résultat est là, et il fait très mal.

Comprendre Oxbow n'est pas une tâche aisée tant sa musique bouscule les codes préétablis et serpente toujours entre diverses influences au léger goût de bitume : blues caverneux, noise, post-hardcore, rock expérimental, post-punk à la manière des premiers Nick Cave, instrumentation parfois plus "folkloriques", autant d'éléments rugueux dont le quator s'accapare pour tout recracher violemment dans des œuvres radicales, éclatées, écartelées. Cependant il semblerait que chaque nouvel album s'éloigne toujours un peu plus des salmigondis passionnants de leurs débuts (Fuckfest en 1990, King of the Jews en 1991) pour tenter d'atteindre un Sgt Pepper fantasmé c'est-à-dire l'album-concept parfait embrassant – et embrasant – l'ensemble dans une grande œuvre entière. Leur précédent album, le fabuleux The Narcotic Story (2007), était déjà une forme d'aboutissement dans lequel Oxbow s'épanouissait plus que jamais dans son rôle d'artiste au sens quasi Tarkovskien du terme, soit celui qui trouve l'harmonie dans le chaos. Avec cet éclatant Thin Black Duke à la clé une décennie plus tard, Oxbow persiste et signe.

Il y a peut-être deux choses au moins à soigner dans un album : son début et sa fin. Thin Black Duke s'ouvre sur de légers sifflottements avec le tonitruant Cold & Wet-Lit Place pour se terminer par de bouleversantes contorsions vocales sur le magistral The Finished Line. Entre les deux, Oxbow nous offrira comme à son habitude un bouquet d'émotions autant redoutables que contradictoires, mais toujours intenses. Cette intensité passe bien-sûr par la voix extrêmement singulière de son frontman culte Eugene S. Robinson. La présence de ce dernier n'aura d'ailleurs jamais été aussi charismatique que sur ce Thin Black Duke, déversant son flot de paroles avec une expressivité sans égale; éructant, ruminant, beuglant, sanglotant ou parfois même, et c'est assez rare pour le souligner, chantant avec une voix n'ayant jamais paru si mélodique (sur Other People notamment). Eugene S. Robinson, par ailleurs romancier et free-fighter passionné de castagne, impressionne de toute part, endosse sûrement là plusieurs personnages et donne dans son élan totalement habité les indications au reste de l'ensemble. Et ce reste, parlons-en.

Le batteur Greg Davis est une fois de plus impeccable dans les coups précis et parfois volontairement déphasés qu'il porte aux compositions du groupe. Dan Adams est omniprésent et sa basse fretless apporte une certaine rondeur et quelques sonorités jazzy à certains morceaux. Quant à Niko Wenner, il reste ce talentueux guitariste pianiste multi-facettes à la tête de toutes ces chansons où les bonnes idées prolifèrent. On retrouve ici la finesse et la complexité de son jeu, y compris lorsque celui-ci semble se mettre dans la peau d'un guitarsite de heavy metal sur quelqes uns de ses riffs ou encore lorsqu'il s'inspire des Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach (de son propre aveux) pour affiner certaines structures ou tonalités. Tout cela est dynamité voire réhaussé par un orchestre de cordes et de cuivres donnant à Thin Black Duke l'allure d'un opéra baroque aux belles dorures. Toutefois la densité d'une telle instrumentation n'étouffe en rien les morceaux d'Oxbow qui restent parfaitement dosés, chaque élément y est à sa place. Il faut bien comprendre qu'encore une fois tout cela reste conceptuel et que sous le vernis d'un album disons plus "confortable", le cœur de l'entité Oxbow brille toujours de mille feux, brusquant l'auditeur avec d'amples compositions à tiroirs qui n'en finissent pas de fasciner. Plus que l'intensité en elle-même, Oxbow semble atteindre avec cet authentique chef d'œuvre une forme de transcendance.



Chroniqué par Romain
le 08/05/2017

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