Kurt Vile

A l'heure de faire le bilan de ce qui nous a le plus stimulé musicalement cette année en vue du fameux top 2015, on se dit que la folk ne fut pas en reste. Il n'y a pas de secret, ce sont majoritairement les américains qui ont délivré leurs perles rares chacuns à leurs manières. Pour n'en citer que trois: Ryley Walker invoqua le spectre de Nick Drake et des 70's avec le beau Primrose Green; Jim O'rourke offra un Simple Songs fidèle à lui même, c'est-à-dire aussi sophistiqué que passionnant; et Sufjan Stevens a fait quant-à-lui dériver le genre dans une toute autre dimension à la lisière de l'intime et de la sublimation avec le magnifique Carrie & Lowell. Ces trois noms-là ont indéniablement marqué l'année.

Ne vous fiez pas à cette pochette kitschissime de guitariste folk des bas fonds, le californien Kurt Vile vient facilement s'ajouter à la liste des gagnants en livrant là un bon vieil album de folk rock à papa sans trop se forcer. Quoique. On ne souhaiterait pas offencer l'ancien membre de The War on Drugs en écrivant maladroitement que B'lieve I'm Going Down... serait son album de la maturité mais il y a un peu de ça tant celui-ci regorge de chansons certes sur rails mais tenant admirablement la route. Si Kurt Vile avait auparavant pris l'habitude d'étirer ses morceaux sur la longueur avec son précédent effort, tout se resserre ici vers une efficacité quasiment tubesque accrochant dès les premières écoutes (Dust Bunnies; Life Like This; Pretty Pinpin) et une authenticité débarassée de tous les oripeaux hippies souvent propres au genre. Kurt Vile vient simplement nous prouver qu'il y a nul besoin de trop s'agiter pour entrer dans la cour des grands.

S'il n'est pas étonnant d'apprendre que notre jeune songwriter ait été biberonné aux années 70 de Neil Young, sa voix nonchalante, nasillarde et faussement négligée fait irrémédiablement penser aux années 90 et principalement celles de figures cultes outre-atlantiques telles Pavement et Dinosaur Jr (dont le leader J. Mascis livra dernièrement quelques albums solo folk plus que respectables). Derrière l'évolution mélodique évidente irriguant le disque, Kurt Vile n'en délaisse pas pour autant ses fameuses balades sauvages qui accompagneront nos road-trips fantasmatiques de décapotable traversant les grandes plaines américaines cheveux au vent (That's Life, Tho; Kidding Around; Wild Imagination). A côté de ces somptueuses escapades, le californien sait élargir sa palette en nous offrant de belles chansons intimistes à savourer au coin du feu (l'acoustique Stand Inside) ou d'autres puisant dans les racines de la country (I'm an Outlaw). Il se permet également de dépoussiérer l'aspect boisé du genre avec quelques envolées aériennes (Lost My Head There, Bad Omens) venant apporter à l'album une certaine diversité bienvenue. On doit avouer que cette folk reste assez pantouflarde, mais en cette fin d'année on ne s'est jamais senti aussi bien que dans ces pantoufles-là.