Le violoncelliste Richard Skelton est l'auteur d'albums aussi magnifiques que Landings en 2009 et Verse of Birds en 2012. En parallèle à l'oeuvre qu'il publie son sous nom de baptème, Skelton mène de multiples projets (Clouwbeck, A Broken Consort ou Carousell), dispersant ainsi sa musique tout en nuances de gris comme on disperse des cendres après inhumation. La compilation Skura et ses 12 heures de musique ininterrompue étalée sur 6 ans (2005-2011) rendait d'ailleurs bien compte de l'étendue de l'oeuvre du britanique, en balayant la plupart de ses avatars.
Absent de cette monumentale anthologie et pour cause, The Inward Circles est son dernier projet en date. Si le premier volet, paru il y a quelques mois seulement et intitulé Nimrod is Lost in Orion and Osyris in the Doggestarre, s'intéressait aux astres voilant le ciel, ce second opus explore quant à lui le fond de la Terre en faisant référence à l'Homme de Lindow, une momie de 2000 ans découverte le 1er août 1984 dans une tourbière de Lindow Moss en Angleterre. Entre le ciel et la terre, c'est pourtant une musique toujours aussi doucement mortuaire qui nous accueille.
Richard Skelton a ce don de construire une musique sans âge où la temporalité, ou plutôt la manière dont sa musique peut s'étirer sur la durée, devient un élément crucial en soi. Cette longue composition d'une heure est une pièce à la fois lancinante et languissante, découpée en plusieurs mouvements où le bois de son violoncelle vient se faire imperceptiblement grignoter par des parasites électroniques pour revenir ensuite à son état naturel dans un long va-et-vient. Les "mouvements" de cet album forment ainsi plusieurs déplacements de balancier qui se créent entre puretés et impuretés, entre strates silencieuses et montées sonores crissantes, entre finitudes et éternels recommencements.
La musique de Richard Skelton possède aussi et surtout un fort pouvoir d'évocation, produisant à la chaîne des images cinématographiques nous ramenant à certains chefs d'oeuvre post-apocalyptiques des maîtres du cinéma de l'Est, un cinéma d'ambiances sachant lui aussi tirer profit de l'étirement du temps. Et en effet, comment ne pas penser au Stalker de Andreï Tarkovski ou plus récemment au Cheval de Turin de Bélà Tarr à l'écoute de cette musique donnant à entendre religieusement la beauté des ruines.
Chroniqué par
Romain
le 27/04/2015