Il est toujours fascinant d'observer la métamorphose d'un musicien, surtout lorsque celle-ci est innatendue. Chez Ricardo Donoso, la mutation est permanente, inhérente à sa musique. Pourtant, ces dernières années l'ont vu s'assagir, creuser le sillon d'une musique synthétique minimaliste qu'il semblait ne plus vouloir quitter, bien loin des monolithes drone de ses débuts.
Le voir quitter son logement de fonction chez Digitalis Recordings pour les allemands de Denovali Records était donc étonnant, mais à l'écoute de ce Saravá Exu, la surprise est simplement totale. Remisant au placard les doux arpèges de synthés modulaires auquel il nous avait habitué, Ricardo Donoso revient à la fois aux sources et s'enfonce en même temps vers des territoires sonores inédits, aussi bien pour lui que pour quiconque.
Saravá Exu fait référence à un culte Afro-Brésilien et décrit un voyage intérieur vers les tréfonds de la conscience. Un concept intéressant que le brésilien sublime dès les premières secondes par une approche innatendue, viscérale : noise, drone, percussions et autres fragments néo-classiques composent un paysage aussi désolé que frénétique, traversant les émotions avec une fièvre sublime.
Le instants contemplatifs se fracassent sur un rythme tribal, bientôt emporté par une tempête de bruits blancs, puis tout redevient lumineux : Donoso gère la tension d'une main de maître, baladant l'auditeur d'un sommet à l'autre, au gré d'un voyage cinématique des plus marquants.
Le compositeur brésilen signe ici sinon son chef d'oeuvre, du moins l'aboutissement de ses années d'expérimentations, trouvant un juste milieu à toutes ses influences, pour un disque difficile à décrire tant il demande d'être vécu - d'un seul trait, et à forte dose, de préférence.
Chroniqué par
Matthias Fuchs
le 09/02/2015
