Pleasant Heart, un cri du cœur, un cri de jeunesse, un cri de révolte. On se croirait à la fin des seventies anglaises, moment où révolte politique et révolte musicale se répondaient sans se confondre.
A l'origine de ce cri, on trouve Ought, groupe surgi en 2011 de la jeunesse canadienne, venu, parmi d'autres, exprimer toute son énergie. Quatre jeunes qui ont quitté l'université il y a peu de temps. Quatre canadiens qui entendent leur musique dans le bruit des manisfestations étudiantes. Refusant à la fois d'être de simples esthètes et des musiciens engagés, ils ne pouvaient que faire vibrer ce contexte politique dans leur propre musique
Deux ans après leur premier EP, les montrealais de Ought sortent ainsi leur premier album, More Than Any Other Day, chez Constellation Records, label entre autres de Godspeed You ! Black Emperor.
Ought, c'est sans doute l'air frais qu'on attendait, entre punk et post-punk. En fait, le torrent musical que nous offre l'album le rend inclassable : on retrouve autant du blues que des sonorités de Television ou de Rage Against The Machine. En fait, Ought c'est le devoir de créer un son à partir de toutes ses influences. Et le résultat est réussi. Un album court, ramassé autour de huit titres et capable de passer du martèlement punk à des sonorités plus stellaires.
Mais on ne peut pas non plus réduire cet album à un simple cri. On ne comprendait pas sa diversité et ses morceaux aux accents plus intimistes (Today More Than Any Other Day ou Forgiveness). Dans ces moments quasi introspectifs, proches du rythme de la folk, une mélancolie latente transparaît. Sans doute le sentiment complémentaire à la révolte. La plaie intérieure qui rend nécessaire le sursaut extérieur. Gemini, qui clôt, l'album est sans doute la synthèse parfaite de ces deux aspects. Une pulsation entre retenue et explosion, avec certains accents post-rock, irrigue le morceau de bout en bout jusqu'au martèlement final.
Chroniqué par
Patrice Vibert
le 02/06/2014