Rezult

Le décès du hip hop indépendant est désormais entériné. Quelques gros noms essaient encore de poursuivre l’aventure, la plupart réfugié chez Fake Four, le label fondé par Ceschi Ramos dans ce but précis. Mais d’autres continuent encore dans l’ombre de laquelle ils ne sortiront jamais. C’est le cas d’Abolano records, dont la plupart des membres actifs sont arrivés trop tard pour bénéficier de l’engouement autour de ce rap différent.

On retrouve dans le label soutenu par l’illustre Awol One quelques proches du collectif Shapeshifters comme le producteur Mascaria et le rappeur Gel Roc. C’est par le biais d’activités parallèles comme le graff ou le skate que Rezult et son groupe Tree Dusk Muir semble s’en être rapproché depuis sa Virginie natale. Et le moins que l’on puisse dire c’est que dans le genre rap des ténèbres ils poussent le bouchon jusqu’au bout…

La surprise sera certainement la première réaction de celui qui découvre ce rap résolument gothique, empruntant plus au death metal qu’à NWA, ce flow que l’on aurait plutôt vu au sein de l’un de ces obscurs groupes extrêmistes venus du froid. Avec une voix caractéristique très gutturale, forcée, excessive dans un but purement esthétique. Les visuels mystiques très « forêts finlandaises » ne font qu’appuyer la comparaison avec ce folklore des adeptes de cuirs cloutés. Rien que la lecture des titres comme Pendulous Guillotine, Blackened Rain ou Eyes of the Living Dead donnent une idée du tableau.

Musicalement beaucoup de choses nous y ramènent aussi. Mais attention je ne vous parle pas d’une pauvre fusion dégueulasse du genre poum-tchak sur guitares comme ont pu le faire Cypress Hill ou Necro. Ici tout est dans l’ambiance, posée dès l’entame par une intro violon/clavecin d’un kitch très poussé. On s’attend naturellement à une guitare stylée death mélodique. Faux. Pas de gros riffs ni de double pédale, c’est une nappe pesante toute en basse et un beat bien hip hop qui vient plomber l’ambiance. Bon, avouons que cette mise en bouche flirte dangereusement avec le ridicule mais la messe est dite, et elle sera noire.

Ce riff on l’aura dès la deuxième piste. Ce sera le seul. Et très minimal, dans un esprit bien hip hop, juste pour soutenir quelques notes de piano. L’ensemble est ici très réussi, comme la suite. Un hiphop que l’on retrouvera plus brut dans la rythmique « old school » du morceau suivant.

La différence se trouve dans les accompagnements. Pour la plupart des maelstroms sonores de nappes et de samples très sombres et industriels, d’où émergent quelques fois de timides mélodies. C’est lourd, suffocant, malgré les apparitions de quelques rappeurs « normaux ». On s’enfoncera inexorablement dans le mal jusqu’à l’inquiétant Blackened Rain. Voilà grosso modo ce à quoi vous devez vous attendre.

Rezult n’en est pas à son coup d’essai. Plusieurs albums sont disponibles sur son bandcamp, en solo, avec Tree Dusk Muir, ou sur d’autres projets du Label. Si vous aussi vous avez suivis jadis les scènes rap parallèles, que vous êtes friand d’ambiances lugubres propres aux musiques extrêmes metal ou indus, ou que vous êtes tout simplement curieux, vous devriez y jeter une oreille.