Raoul Sinier

Sixième long format d'une discographie féconde en rebondissements, Welcome To My Orphanage est un disque labyrinthique, patient et tragique, empli de chansons foudroyantes, morceaux de bravoure méticuleuseument charcutés - comme à son habitude - délicieusement (dis)tordus. Et avec elles, cette question dont on connait depuis longtemps la réponse : Raoul Sinier n'est-il pas le plus inaltérable des faiseurs de pop transverse et débridée ?

En onze titres Sinier met les points sur les i. Onze compositions en cinémascope jouant sur sa voix écorchée, pour un album d'une grâce vénéneuse absolue et farouchement solitaire dans le lot des productions actuelles.

Dans la continuité de la sophistication claustro de ses précédentes moutures, le Ra nouveau impressionne par son lâcher prise, entre brutalité et mélancolie noire. Comme si depuis son laboratoire à idées, le gars contemplait désormais le chaos avec sagesse. Le sien comme celui des autres ; poussant même le dédain des grammaires convenues de l'IDM et du hip-Hop (ses premiers amours auxquels malgré les apparences il a su rester fidèle) jusqu'à inventer son propre idiome dans une noce païenne entre glitch syncopé, synth pop tout clavier dehors et rock expérimental, jetant par là les jalons de sa libération. Et au final les contours de ce lieu qui n'appartient qu'à lui. Celui où , généreux il aime se faire accompagner sans avoir à le demander, guidant ceux qui le suivront au plus près de ce qui l'anime : la douceur du fracas, le bastringue de son âme où liberté et aliéniation se livre un combat sans merci. Son orphelinat. Le notre dorénavant. Fallait pas nous inviter !