Une photo à l'ambiance crépusculaire, un décorum à la Oscar Wilde. La pochette nous présente
Oh! Tiger Mountain, Mathieu Poulain de son vrai nom, en dandy ténébreux. La première écoute de l'album est assez troublante après une telle approche. Du blues, de la pop sixties, quelques pincées de surf. On est très loin du dandysme et du spleen baudelairien.
Quelle déception! On se sent trahi par un objet aussi intriguant.
Une seule solution reste à l'auditeur assez courageux : dissocier la musique de la pochette. Car si la mise en scène de la dernière est de qualité, les cinq titres qui composent cet EP ont aussi un charme en eux-mêmes.
Une des premières qualités de
New Religion réside dans sa diversité. Dans ce cinq titres, on passe de la pop au blues et la ballade.
Dans cette diversité, c'est sans doute le cinquième titre,
First Blues, le plus étonnant et c'est sans doute de celui-ci qu'il faut partir pour trouver la source commune qui irrigue cette œuvre. Trois sons qui semblent indépendants, une guitare acoustique qui ne cesse de répéter quelques mesures, une rythmique monotone, et une guitare aux accents quelques peu noise. A travers cet ensemble sonore flirtant avec le trip-hop émerge peu à peu une voix étouffée. Une voix qui tend à s'imposer, qui s'éclipse aussitôt. Cette voix de
Oh! Tiger Moutain qui s'efface au seuil terminal de cette EP sera peut-être notre premier guide, tel Virgile de la
Divine Comédie.
Cette voix grave très proche de certaines inflexions de
Nick Cave nous ferait oublier les origines françaises de
Oh! Tiger Mountain et fait davantage penser à un crooner américain, une voix à la fois profonde et désinvolte.
Et pourtant.... elle n'est encore que notre Virgile, mais pour accéder au paradis de la divine comédie, il nous faut notre Béatrice. Quitter cette voix qui n'est qu'humaine pour écouter la musique céleste de cette nouvelle religion que
Oh! Tiger Moutain nous promet. Alors, il faut reprendre à nouveau ces différents morceaux. Oui, les influences sont indéniables et maîtrisées, un peu de blues-pop comme les
Black Keys, de la pop sixties. Pourtant, on perçoit derrière ces mélodies des sons électroniques autant indispensables qu'ils passent inaperçus en transformant ces mélodies d'autrefois en nos contemporains et une chambre d'écho qui donne un relief supplémentaire à l'ensemble. Oui, ce marseillais est bien un dandy de la musique. Avec, cet EP annonçant son deuxième album, il se construit sa tour d'ivoire personnelle. Une tour exigeante avec son auditeur pour qu'elle devienne enfin perceptible.
Chroniqué par
Patrice Vibert
le 28/08/2013