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Deerhunter

: Monomania



sortie : 2013
label : 4AD
style : garage rock / indie-rock schizophrène

achat/téléchargement

Tracklist :
01/ Neon Junkyard
02/ Leather Jacket II
03/ The Missing
04/ Pensacola
05/ Dream Captain
06/ Blue Agent
07/ T.H.M.
08/ Sleepwalking
09/ Back To The Middle
10/ Monomania
11/ Nitebike
12/ Punk (La Vie Antérieure)

La personnalité mégalo de Bradford Cox fascine depuis toujours, bien au-delà de la musique de Deerhunter. Songwriter surdoué pour les uns, imposteur inconsistant pour les autres, une chose est sûre : l'Américain a réussi à imposer son groupe comme un des piliers de la scène indie-rock américaine. A l'occasion de la sortie sur le label 4AD du septième album de Deerhunter Monomania, Guillaume C. et Mickael livrent leurs regards croisés sur ce nouveau témoignage sonore, plus schizophrène et rock'n roll que jamais.

Guillaume C.:

On est fasciné depuis le commencement par la personnalité de Deerhunter tant on est frappé par la créativité de ses membres. On est frappé par cette capacité de produire autant et avec une qualité qui ne cesse de grandir. En effet peut-on accuser Bradford Cox et Lockett Pundt d’être responsables de multiple coups d’éclat, que ce soit dans le cadre de leur projet solo respectif à savoir Atlas Sound et Lotus Plazza que dans le cadre de Deerhunter? On avait été frappé par la jeunesse de ses membres et leur formidable précocité. Au point d’entretenir par la suite leur réputation de petit génie de la scène indie. Une trajectoire assez météorique et métronomique tant le groupe et ses membres sont en mesure de produire avec régularité autant de projets de qualité. Trop vite classé dans la case du revival shoegaze du début de cette décennie le groupe a su démontrer que son identité ne se limitait pas à reproduire l’existant, mais à le recycler dans le cadre d’un projet plus ambitieux. Il découle de leur musique une approche assez instinctive. Car Cox et ses acolytes ont tout pour eux, la jeunesse, le talent et l’aura. De quoi permettre à un simple groupe de potes d’écrire une nouvelle page dans l’histoire de la musique.


Si on avait été enthousiaste par le tour de vis donné par leur Alcyon Digest, on ne peut que s’interroger sur le sort accordé à ce Monomania. Certes Deerhunter creuse son sillon en ne cessant de glisser vers ce freak rock décomplexé. On peut être séduit par cette production cradingue et dieu sait qu’on apprécie le genre. Mais il ressort des écoutes répétées un sentiment mitigé. Celui de voir un fond céder le pas à une forme. Certes on pense à la période électrique d’un Bob Dylan décidé à ne pas emprunter le chemin qu’on avait tracé pour lui, mais aussi au garage rock initié par le Velvet Underground. Néanmoins passé les trois premier titres on commence à avoir le sentiment que le groupe s’est focalisé sur un l’effet de style et non sur ce que ce dernier est sensé apporter au fond. Car Bradford Cox maîtrise avec un savoir évident l’art de faire du beau avec du brouillon. Même si on apprécie ce parti pris, on ne peut que se dire que le groupe est resté attaché à cette posture de petit génie touche à tout. Car à trop servir la forme, à trop sombrer dans des effets de style facile et une posture déjà exploitée à de maintes reprises dans le cadre de leurs différents projets, le groupe perd de sa substantifique moelle.

Certes Monomania est un bon disque, mais il s’agit d’un disque facile. Même si le groupe donne l’apparence de durcir l’écoute en ayant opté pour une production compliquant la compréhension du propos, on ne peut s’empêcher de se dire qu'il s’agit avant tout d’un artifice destiné à compenser la faiblesse de bon nombre des compositions de cet album. Certes il n y a pas vraiment d’échec dans ce disque, juste la déception de voir un groupe sombrer dans la facilité d'un propos, et d’habiller sa mariée comme pour en compenser les plus flagrants défauts. D’ailleurs ne dit-on pas qu’en matière de mariage, trompe qui peut... Mais à ce jeu nous ne sommes pas dupe...

Mickael:

Bradford Cox n'en a pas fini de promettre la mort prochaine de l'indie-rock en jurant croix de bois croix de fer sur ses disques du Velvet Underground. Si Monomania est peut-être le meilleur album de Deerhunter, c'est qu'il est le premier à aller véritablement au bout de cette logique. C'est un disque qui excelle dans la pose là où tous les autres pêchaient par excès évident de fausse honnêteté. Pas besoin d'un master 2 en musicologie pour flairer l'escroquerie : Monomania est une œuvre fétichiste et jouisseuse, bourrée de références aux rock des seventies. Une posture qui vise avant tout à redonner à l'indie-rock une légitimité et une ardeur qu'il semblait avoir perdu. L'argument "true garage punk" n'est donc ici qu'une ficelle grosse comme l'égo démesuré de Bradford Cox, mais une ficelle que celui-ci exploite pour une fois sans fausse modestie.

Morceau après morceau, Monomania n'arrête pas de ressasser les souvenirs d'une histoire bis du rock'n roll, dans une sorte de déambulation zombiesque. L'album contient son lot de ballades americana salement mélancoliques et délavées à coup de distorsion (Neon Junkyard, Pensacola). On pense à Dylan charcuté à coup de riffs mal dégrossis et au psychobilly des Cramps : le spleen d'une Amérique en leggings, droguée jusqu'à la moelle et en quête de rédemption. Rien à voir avec Leather Jacket II ou l'éponyme Monomania : sursauts de violence suraiguë, empreint du primitivisme androgyne et scatophile d'Iggy Pop. A côté de ces jets d'acide inspirés par la période la plus débraillée et distordue de la carrière des Stooges, Deerhunter démontre aussi avec The Missing toute l'élégante sophistication de son écriture pop pleine d'emphase, entre brume lo-fi et sonorités post-punk. Moins proprettes mais toutes aussi modernes, Dream Captain ou Back To The Middle assènent aussi des refrains imparables et cabossés avant d'emprunter des lignes de fuite lumineuses et extatiques. Cabossées, les ballades rockabilly T.H.M., Nitebike ou Punk (la vie antérieure) le sont aussi et complètent un disque hétérogène et décalé, mais d'une rare cohérence et passionnant de bout en bout.

Entre les mains de faussaire de Bradford Cox, le rock'n roll brûle enfin de toute son impure beauté au fond de Monomania. Il y a quelque chose de profondément touchant dans cette parodie d'enterrement de tout l'indie-rock par l'un de ses contributeurs les plus inspirés. Bradford Cox en maître de cérémonie omnipotent n'invente pas la poudre mais se place dans la lignée d'autres glorieux fossoyeurs de la pop totalement mégalo : Lux Interior, Lou Reed et Iggy Pop, dont les spectres dégingandés, convoqués à peu près partout, ramènent pour la première fois dans un disque de Deerhunter à un lien de filiation réelle, à un héritage à peu près authentique, au delà de la simple supercherie arty. Fort de cette filiation retrouvée avec le rockabilly, la musique du Velvet et des Stooges, Bradford Cox et sa bande atteignent l'alchimie parfaite entre masturbation rock'n roll primaire, écriture au cordeau et nostalgie forcément monomaniaque, pour livrer au final les meilleurs chansons de leur répertoire, des chansons simples et directes - et dans l'attitude et dans le jeu -, fétichistes certes, mais définitivement troublantes et emportées.



Chroniqué par Mickael B.| Guillaume C.
le 01/07/2013

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