Motor : Nighttime World 3, avec un nom qui sonne comme une franchise de jeux vidéo, n'est rien moins que le troisième volet d'une série aujourd'hui mythique initiée en 1995 par
Robert Hood, un des pères fondateurs de la Techno à Hitsville avec
Jeff Mills,
Mad Mike et
D-Ha et leur label , le séminal
Underground Resistance Records. Ce disque est inspiré d'un documentaire réalisé pour la BBC par le non moins légendaire
Julian Temple -
Requiem For Detroit ? - retraçant à travers différents entretiens avec des habitants de Motor City, ses moments de gloire et les horreurs subies par cette dernière.
A l'instar de ce film, ce disque va jouer à fond la carte du voyage dans le temps passé, présent, futur. Même sans être un fervent connaisseur de la généalogie de la musique électronique, un concept que l'on parvient sans mal à cerner, ne serait-ce qu'à l'énoncé des titres qui le jalonnent. Et en admettant que des intitulés comme
Slow Motion Katrina ou
Black Technician ne vous parlent pas plus que ça, la simple immersion dans ces sonorités chargées d'images et d'histoires, de mélancolie et de soul, de pulsations de vie en somme, devrait suffire à emporter votre adhésion au projet du Dr Kevorkian.
Motor : Nighttime World 3 est une belle leçon de sensibilité, riche en émotions, un registre où l'on n'attendait pas forcément Hood, plutôt [re]connu pour son sens de l'ascèse brute et puissante. Effectivement, tout en gardant bien sûr archi-tendu le fil conducteur d'une techno sourde, sobre et sombre, il y accole influences jazz et variations mélodiques, le tout mis au service d'un storytelling en harmonie totale avec son sujet : Detroit et ses habitants, leur déshérence, leur espoir et leur renaissance.
Voilà donc un album-concept comme on en raffole, qui tient à la fois de la revue d'inventaire et du torchon qui brûle, de la mythologie urbaine et de l'Histoire d'une ville, du pamphlet politique et du chant d'espérance. Certes ça fait beaucoup pour l'équilibre d'un simple douze titres, mais c'est pas si grave. M'est avis que Bob n'a que faire de l'équilibre : il cherche la vie là où elle n'est presque plus, la débusque et revendique le vertige pour tout ce qui en adviendra, quitte à [re]mettre les mains dans le cambouis. Sublime et magistral , tout bonnement.
Chroniqué par
Yvan
le 03/10/2012