Dans le paysage des musiques nouvelles,
Pan est ce jeune label berlinois qui s'est rendu incontournable en sortant des artistes en plein dans l'air du temps, accompagnant leurs albums de pochettes reconnaissables entre mille…
Keith Fullerton Whitman y a connu le plus gros succès de sa carrière, l'électro-acousticien
John Wiese y a produit son oeuvre la plus accessible, le duo
Peter Rehberg/Markus Schmickler y a lâché un album live…Incontournable je vous dis.
Sur
Pan, la musique électro-acoustique version dépoussiérée se dispute la ligne éditoriale aux murs de parasites de la harsh-noise, aux musiques minimales les plus extrêmes ou aux dance musics mutantes ; c'est tout un bestiaire de la musique contemporaine qui y est exposé et qui fait la part belle aux courants les plus bouillants du moment. A côté des fers de lance cités peu avant et autres sommités tels que
Florian Hecker ou
Ghédalia Tazartès, les jeunes loups ont aussi droit de citer et parmi eux des étoiles montantes (
Ben Vida,
Valerio Tricoli ou
Thomas Ankersmit). Peu importe finalement la cohérence du moment que ça reste fun et le fun c'est bien la philosophie de
Bill Kouligas, à qui on arrive enfin, puisque le patron ici, c'est lui (et les pochettes également!).
Aussi
Koyxen (
Kouhei Matsunaga), le personnage qui nous intéresse le plus présentement, se pose d'emblée comme un méga-condensateur de l'esprit fun, radical et transgenre affiché et torpillé partout par la maison berlinoise. Un coup d'œil à son cv rend les choses plus parlantes. Originaire d'Osaka mais résidant à Berlin, l'homme a été élevé à la techno hardcore et au hip-hop des
Jungle Brothers. Il jouera d'ailleurs au beatmaker pour un ancien du groupe, le bien nommé
Sensationnal. Le producteur japonais travaille également l'abstraction et l'expérimentation en compagnie de
Merzbow,
Asmus Tietchens,
Mika Vainio ou bien
Greg Davis. Adepte définitif du grand écart, on l'a aussi vu partir à l'assaut des musiques de club, dynamitant house, techno, et dub, soit sur
Raster-Noton en compagnie de son acolyte
Toshio Munehiro (sous le pseudo
NHK), soit de
Sean Booth, moitié de l'hydre
Autechre. L'exercice est le même sur ce
Dance Classics vol.I sur lequel
Pan compile des pièces composées par le musicien, en direction express des dancefloors.
Moins extrémiste en la matière que le duo
SND, avec qui on peut lui trouver une certaine parenté,
Kohei Matsunaga fait subir à ces musiques dansantes le même traitement que leur avait plutôt infligé quelqu'un comme
Frank Bretschneider (autre électron libre des musiques expérimentales) sur son récent
Komet. Le modus operandi est pour ainsi dire le même : si l'aspect ludique et direct de la chose est conservé, c'est pour mieux détourner et triturer en souterrain, et aussi furtivement que possible, sonorités, rythmiques et structures. A ce tarif là,
Matsunaga réussit souvent là où
Autechre a pu échouer par le passé parce que sa ligne demeure toujours cohérente et qu'il ménage ses effets sans esbroufes, avec un savoir-faire et une impertinence qui ne se démentent jamais.
Dance Classics vol.I n'est sûrement pas un futur classique, il est d'ailleurs trop court et trop décalé pour en être un. Mais c'est à coup sûr un album bien ancré dans son temps. Ses vieux synthés déglingués à coup de bidouille et ses beats abstract hip-hop réconcilient tout, le passé et l'avenir, la pop et la complexité pour redonner un peu de sens à ces trois lettres un peu dévoyées : IDM.
A noter que ces jours-ci,
Koyxen et
SND sortent un split chez
Pan...les choses sont bien faites.