Comme beaucoup, je ne connaissais pas
Andy Stott avant cette année. Mais
Passed Me By puis
We Stay Together auront fait couler beaucoup d'encre, suffisamment pour laver l'affront. Peu enclin à aligner les disques de house, je me suis retrouvé scotché par le travail du producteur britannique.
Il faut dire que l'entreprise sur
Passed Me By, avait tout pour séduire l'amateur que je suis de maltraitances électroniques et de voyages immersifs. Effectivement, en projetant sa techno chaloupée à travers des abimes liquides, c'est à dire en la manipulant avec zèle,
Andy Stott en explosait les codes, et se lançait dans quelques explorations sonores riches en trouvailles.
Le genre à
Andy Stott, c'est de la musique de club qu'on écouterait s'écouler de la carlingue éventrée d'un submersible fondant vers les abysses. Témoin de cette immersion en eau électronique,
Intermittent, où un sample de musique disco bien putassier tente de se sauver du naufrage, de s'extraire des nappes suffocantes et atrophiées qui le réduisent au silence. Ici comme ailleurs, le point focal de
Passed Me By c'est le son, le son dans tous ses états : trituré, déformé, plombé, gratté jusqu'à la moelle. S'il garde l'ossature de la house music,
Andy Stott en ralentit le rythme à outrance, étouffe ses sursauts pailletés sous des hectolitres de flotte. Jusqu'au-boutiste, l'anglais envoie ce qu'il reste d'audible dans cette house asphyxiée se briser contre des amas liquides. La musique se désagrège, mute en friche subaquatique, et ce qui en réchappe a des allures de spectres flottant dans un monde de basses fréquences, parcouru de pesantes réverbérations.
Si il demeure un pur album de house avec ses rythmiques obsédantes et ses samples vocaux disséminés de ci de là,
Passed Me By surprend continuellement en nous immergeant dans des atmosphères étranges voire inconfortables, assez inédites pour le genre.
Dark Details, brûlot aux sonorités tribales et industrielles, est une réussite totale à ce niveau là. Il faut dire qu'
Andy Stott s'en donne coeur à joie quand il s'agit d'exploiter à fond le grain caverneux et l'aspect ultra-répétitifs de ses tracks pour bousculer nos repères habituels et nous faire entrer dans son univers parallèle et inquiétant. A beaucoup d'égard, c'est
New Ground qui illustre le mieux toute la richesse de
Passed Me By. Le coup de force d'
Andy Stott sur ce titre emblème est de ne pas opposer les différentes polarités qui habitent sa musique mais de les faire s'interpénétrer sans cesse, de tirer de cette fragile symbiose les motifs de rebonds incessants, d'une hypnose reconduite à l'envie.
Passed Me By, malgré sa courte durée et ses ambiances anxiogènes, confère un certain ravissement. L'osmose est parfaite entre la rondeur de ses motifs techno, toujours habilement sculptés, et l'aspect trouble de ses sonorités fantomatiques. Bref entre le cérébral et le "dansant",
Andy Stott trouve en permanence le point d'équilibre optimal. En guise de comparaison, la techno glaçante et brumeuse d'
Echospace sur
The Coldest Season, avait laissé une empreinte semblable dans le paysage des musiques électroniques. Il faut donc rendre grâce au label
Modern Love à qui l'on doit toutes ces pépites et dont l'année 2011 aura été une nouvelle fois bien remplie (allez donc voir du côté de l'hydre
Demdike Stare).
Pour en revenir à
Andy Stott, son plus récent
We Stay Together enfonçait le clou en atténuant un peu plus l'aspect club de
Passed Me By au profit de son esthétique liquide et spectrale, des manipulations électroniques tous azimuts. Bref, si certains veulent poursuivre le voyage en eau profonde, le chemin est déjà tout tracé…