Home Normal et le Japon, c’est une longue histoire. Ce n’est pas
Ian Hawgood, le fondateur du label, qui nous contredira : ses allers et retours entre l’archipel nippone et son Angleterre natale sont incessants et c’est à ce rythme-là qu’il donne vie à son ambient music paysagère. A l’instar de celles de ses accueillis
(Home)Normaliens, parmi lesquels nombreux sont originaires du pays du soleil levant, la musique d’
Hawgood doit beaucoup à l’estampe de paysage japonaise, son art de la retenue et de la contemplation auquel elle emprunte sans modération.
Le duo Tchèque
Gurun Gurun ne déroge pas à l’esthétique du label mais il a un argument pour lui qui fait toute la différence : ces deux-là,
Jara Tarnovski et
Tomas Knoflicek, ils mettent les deux pieds dans le plat. Ils nous livrent avec leur premier album éponyme ni plus ni moins qu’une œuvre de J-pop en bonne et due forme, forcément bariolée et mutine sous ses airs d’innocence enfantine. Un vrai exercice de style en somme.
A vrai dire, vous êtes presque (je dis bien presque) tombé sur le mauvais chroniqueur, moi qui n’y connaît absolument rien en la matière et qui pour tout dire a toujours regardé la pop japonaise avec un air de suspicion. Ne comptez donc pas sur moi pour resituer la chose dans son contexte géo-historico-musicologique (quel ennui !). Ce qui est important, c’est que dès la première piste, les
Gurun Gurun emportent tous les suffrages en évitant un écueil de taille : celui d’en faire des tonnes. Ils auront le bon goût de s’y tenir tout le long de l’album.
En fait l’atout primordial de la musique de
Gurun Gurun, c’est sa sincérité. La présence derrière le micro de chanteuses japonaises est en plus un vrai gage d’authenticité. Elles sont trois,
Moskitoo,
Rurakiss, et
Sawako et ont des noms pour nous tellement exotiques qu’ils finissent pas devenir des promesses d’évasion. Au-delà du cliché, quelqu’un comme
Sawako est une des belles figures de la musique contemporaine nipponne. Les habitués des productions
12k (tiens, un autre label tourné vers le Japon) la connaissent bien.
Leurs vocalises souvent atypiques ont pour effet d’enchanter la musique de
Gurun Gurun quitte à frôler l'ostentation. Mais selon qu’elles poussent la chansonnette d’une voix de geisha ingénue ou qu’elles susurrent des sons proches du miaulement, c’est toujours pour apporter une vraie fraîcheur, une séduisante touche personnelle aux compositions du duo. Au seul risque finalement de rappeler les meilleures heures de
Múm, ce qui est loin d’être une torture !
Et nos amis tchèques là-dedans ? Ils ne sont pas en reste. Au second plan, leurs propositions folks mâtinées de touches jazzy et électroniques sont souvent de belles trouvailles. Des bulles de légèreté qui explosent en pluie de confettis. L’aspect mélodique passe bien sûr en priorité, mais il faut reconnaître que côté arrangements, les deux hommes font le boulot. C’est touffu et fouillé, jamais brouillon et souvent étonnant faute d’être réellement novateur.
Au final, ce premier album en forme d'exercice de style est réussi. Les Tchèques de
Gurun Gurun livrent un disque admirable d’autant que la J-pop est un genre affreusement casse-gueule. Là-dessus, le duo assume pleinement ses références et ses détours attendus. Au-delà,
Jara Tarnovski et
Tomas Knoflicek signent une œuvre très colorée et lumineuse, à l’image de sa pochette. Un recueil de ballades printanières et enveloppantes où l’émotion affleure sans brusquer.
