J'aime croire être seul responsable de mes découvertes musicales. Mais comme beaucoup d'entre nous, je n'échappe jamais très longtemps à la soirée un peu arrosée où YouTube élargit de manière inattendue mes horizons musicaux. Un pote qui, entre deux verres, prend la souris
"tiens, tu connais ce truc ?" et balance un clip mortel qui me scotche sur place. Ce clip, c'est
What Happened. Et j'ai beau eu le regarder à nouveau quelques jours plus tard, je le trouvais toujours aussi mortel.
Il faut dire que les
Dope D.O.D. (pour Duo of Darkness) ont mis le paquet sur sa production. C'en est même trop chiadé pour être honnête. Et il ne faut pas être fin observateur pour remarquer ces gros artifices qui ficellent les trois MCs dans des rôles de blockbuster américain. Le schizophrène taré
Skits Vicious, le givré sans coeur
Dopey Rotten, et le ninja échappé du
Wu-Tang Jay Reaper. Quand en plus j'apprends qu'ils ont assuré aux Etats-Unis la première partie de
Korn, j'aperçois presque derrière leurs tronches sorties de nul part les volutes de cigare qu'un gros producteur lâche dans l'ombre. Et rien n'est plus détestable, vous en conviendrez, que de découvrir un coup marketing derrière un buzz monté de toutes pièces.
Pourtant, en poussant plus loin l'investigation, il semblerait que le trio hollandais soit plus authentique qu'il n'y paraît. Et le crew d'artistes qui s'est greffé autour est peut-être ce qui explique pourquoi leur univers visuel est déjà aussi poussé pour une formation si jeune.
Quoiqu'il en soit, si ce
Branded est à la hauteur du
What Happened lâché des mois plus tôt, ce devrait être du lourd. Je devine déjà, en téléchargeant l'album, un espèce de
Contact – le titre dubstep/rap dans lequel se sont associés
Foreign Beggars et
Noisia – étalé sur 17 titres.
Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant en réalité un album bien plus oldschool que ce que
What Happened laissait présager. Il y a bien ces morceaux lourds aux sonorités dubstep :
The Island,
Ghost and Darkness,
Redrum,
Psychosis, etc. Mais d'autres renvoient sans ambiguïté au rap east coast des années 90. Dans ce registre, la voix rauque de
Skits Vicious donne d'ailleurs presque à leur musique des allures d'
House of Pain.
C'est un mélange intéressant que proposent les
Dope D.O.D. Car si il y a eu un âge d'or du hip hop sur lequel tout le monde fantasme (ces années 90 notamment), les hollandais ne sont pas tombés, malgré l'amour qu'ils semblent lui porter, dans le pastiche. Les influences de cette époque sont fortes, mais d'autres viennent s'y mélanger dans la production. A des antipodes tels qu'on a du mal à imaginer le beatmaker être à la fois l'auteur de
Candi Flipping (guitare funky, saxophone) et des wobbles saturés de
Redrum. La palette d'ambiance s'en retrouve éclatée, des pièces légères aux atmosphères oppressantes. Pour ce qui concerne le flow de nos trois larrons, la disparité est aussi de mise. Comme posé en antithèse des accents rauques de
Skits Vicious, le phrasé de
Jay Reaper est sec et haché.
Dopey Rotten, quant à lui, double en permanence sa voix, ce qui donne à son flow nonchalant ce caractère synthétique typique des effets de chorus.
Branded est un album éclectique qui a su trouver le ton entre révérence pour le hip-hop oldschool et production moderne. Leur univers angoissant est certainement celui que les gens retiendront du groupe, mais les clins d’œils aux années 90 sont bien sentis et apportent une fraicheur certaine à l'ouvrage. Que du bon en somme.
Chroniqué par
Tehanor
le 13/10/2011