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Enablers

: Blown Realms And Stalled Explosions



sortie : 2011
label : Exile On Mainstream Records
style : Rock

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Tracklist :
01/ Patton
02/ Cliff
03/ Career-Minded Individual
04/ Morandi : Natura Morta #86
05/ No, Not Gently
06/ The Reader
07/ Hard Love Seat
08/ Rue Girardon
09/ Visitacion Valley
10/ A Poem For Heroes

C'est beau quand les punks deviennent proustiens.

On pouvait craindre que le jeu très jazz, très en avant, presque virtuose de Doug Scharin n'étouffe la voix de Pete Simonetti, cette voix qui n'hésite pas à se mettre en retrait, à chanter hors-chant, voix grave et parlée, pas chantée, assommant en plus le son des guitares, au style peu démonstratif, très brut, et finalement vraiment punk (dans le sens plus que dans le son). Enfin, c'est ce que je craignais, retardant à la mesure de la peur le moment d'écouter le disque. Or, non. Non que Doug Scharin, qu'on admire sincèrement, ne transforme la musique d'Enablers. Mais il apporte certainement une profondeur supplémentaire, comme l'écho rythmique de la poésie de la voix.

Aussi, disons-le clairement : Enablers était un grand groupe avant Doug Scharin. C'en est toujours un. Ce n'est déjà pas mal.

Ce que Doug Scharin fait certainement à la musique d'Enablers, c'est de mettre plus clairement encore l'accent sur les contrastes qui la constituent. Contrastes dans les périodes, qui font alterner justement rage et calme. Contrastes dans les intentions, et la structurante contradiction entre une voix qui dit de la poésie, et des guitares qui jouent des riffs. Ainsi, dans ce punk, qu'il faut bien dire, malgré tout, "post-punk", et proprement (un peu comme on dit "post-moderne", mais plus précisément, on va le lire tout de suite), puisqu'il substitue à la spontanéité du cri, la discipline du récitatif, tout en conservant sa force de pulsation, tout se repousse en s'épousant.

Enablers, en somme, c'est la quadrature du cercle. Et, Blown Realms And Stalled Explosions la réalise pleinement, musicalement. Dans cette improbable alliance de roulements et de rythmes de batterie stylisés, d'arpèges saturés, et d'une voix crépusculaire. Dans cette improbable alliance de roulements et de breaks de batterie stylisés, d'arpèges saturés, et d'une voix crépusculaire, les pièces prennent forme : amples, précises quoique sombres — souvent. Écoutez l'enchaînement entre Hard Love Seat et Rue Girardon, prêtez attention aux ruptures de ton et d'intention, à la façon dont le rythme se transforme, attardez-vous sur la manière dont le bruit s'estompe, revient et se maintient, concentrez-vous encore sur la façon dont une voix chantée se fait l'écho malicieux de l'autre parlée et plus présente. Écoutez ce moment étrange quand la voix fait entendre dans sa manière de parler le chant, montre l'épaisseur étique de la limite entre la parole et le chant. Et surtout comment la voix, souvent si niaise dans la musique dite "populaire" qu'elle nous fait l'impression d'un intrus, nous devient soudain si précieuse, comment redevenue la simplicité de la parole dite (je vous donne ma parole), elle peut devenir essentielle, même lorsqu'on ne l'entend pas (Visitacion Valley). Et comment lorsqu'on lui laisse presque tout l'espace, elle nous hante bien longtemps encore après qu'elle a cessé de se faire entendre (A Poem For Heroes). C'est beau quand les punks deviennent proustiens.

Chroniqué par Jérôme Orsoni
le 16/09/2011

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1 commentaire

par Guillaume (le 19/09/2011)
C'est en effet un très chouette album. La présence de Doug Scharin, sans révolutionner le son de Enablers, apporte une frappe riche. Néanmoins, il y a un truc dans la production, dans le son des guitares, que je trouve froid et qui me dérange sur certains morceaux. Je préférais le son plus brut des albums précédents.
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