Hecq

C'est toujours avec un plaisir certain que je découvre les créations de Hecq. Le producteur allemand s'est forgé au fil des années une maîtrise du son incroyable. Au départ, Hecq s'est surtout distingué, au milieu d'une scène IDM en pleine effervescence, par ses compositions symphoniques. Ses albums ressemblaient de moins en moins à de l'IDM, et de plus en plus à la bande son de films imaginaires. C'est bien simple : Hecq n'avait pas son pareil pour créer ces formes d'orchestre synthétiques. Mais cette musique contemplative, aussi agréable soit-elle à écouter au casque, n'a pas sa place dans les clubs. Ben Lukas Boysen l'a bien compris. Lorsqu'il se produit en live, il troque ces compos contre un dubstep fait maison. Cela lui a-t-il donné envie de changer le fusil d'épaule ? Il est probable que le producteur ait en tout cas eu un déclic.

Sur son précédent opus Steeltongued pouvait-on déjà remarquer des titres plus énervés qu'à l'accoutumée, ce qui tranchait nettement avec le classieux Night Falls. Puis il y a eu ces remixes pour Broken Note (Terminal Static), Niveau Zero (Evil League), Millipede (All My Best Intentions). Des titres dubstep, ancrant pour de bon le pied que Boysen avait posé sur la scène. Il y a aussi eu le single Sura en juin dernier. Autant d'indices qui laissaient présager ce qui nous pendait au nez pour le prochain Hecq : un album dubstep.

Alors même si Hecq s'y met, il n'y a aucune raison de craindre le pire. Car l'expérience qu'il a gagnée au grès des albums (et en tant que sound designer) lui permet de proposer un dubstep qui surclasse les autres. Les cinq artistes invités à remixer les titres d'Avenger y laissent d'ailleurs quelques plumes, ne parvenant pas à transcender les versions originales. Il ne faut pas leur en vouloir. Il n'y a, à ma connaissance, qu'un seul producteur capable de tailler le son avec autant de doigté que Hecq : Amon Tobin. Avenger me fait d'ailleurs beaucoup penser à Goto 10, sur ISAM. On retrouve les mêmes sonorités ahurissantes : rugissements, grondements, rotations d'hélices, déchirements métalliques. Le tout agencé pour former une rythmique breakée. Quelques chœurs tentent de percer malgré tout ce fracas électronique : de bien timides réminiscences des anciens travaux.

Hecq a radicalement changé. Résigné, semble-t-il, à quitter la grâce céleste pour plonger corps et âme dans la moiteur des clubs. Et même si je ne désespère pas de le voir un jour nous offrir encore quelques perles symphoniques, je suis bien obligé d'admettre que son nouveau costume d'avenger lui sied à merveille. Mes oreilles en tremblent encore.

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