Lucien Nicolet aka
Luciano, patron du label
Cadenza, remixer de renom (
M83,
Salif Keita...) et dj légendaire de la scène microhouse, sort son deuxième album studio. Cela faisait cinq ans qu'on attendait un successeur au plus ésotérique
Blind Behaviour, signé chez
Peacefrog records à une époque où notre Suisso-Chilien se faisait encore appeler
Lucien-N-Luciano. Voilà donc le décor.
Pour ce magnifique dernier opus,
Tribute To The Sun - quel meilleur titre pour un disque d'automne, je vous le demande ! - il s'est livré entièrement à cette inspiration nomade caractérisant ces artistes pour qui chaque disque devient un prétexte à faire bouger les lignes des carcans musicaux. Il a réussi ainsi à créer, avec chacun de ses morceaux, une aventure à la fois déstabilisante et éblouissante.
Capable sans sombrer dans des sonorités putassières de tête de gondole, de mélanger la clarté contrastée de chants tribaux d'Amérique du Sud et de la house minimale (l'intense et mélancolique
Los Niños de Fuera), de flirter avec la voix soul de la diva
Martina Topley-Bird lovée dans un écrin polyrythmique latino certi de quelques carillons flamboyants (le lumineux
Sun, Day & Night), de hisser à bout de bras et sans forcer la Caraïbe et le Moyen-Orient devant la même aube naissante, en croisant un Hang, sorte de steel drum, et des percussions iraniennes, un zarb peut-être (l'étrange et très en dessous du lot
Hang For Bruno) ou encore de jeter un salut fraternel à l'Afrique du Couchant (
Africa Sweat où la collaboration avec
Ali Boulo Santo s'avère fructueuse) et de rendre un hommage vibrant aux pionniers de la techno de Détroit (
Œnologue, un morceau d'esthète),
Luciano, étonnant Protée de la musique électronique, ne cesse de changer de vitesse, de direction aussi, pour finir par nous désarçonner de plaisir.
Quatre années de gestation auront été nécessaires pour parvenir à ce résultat. Un disque qui s'il ne s'offre pas dès la première écoute, nous éclaire, une fois dompté, sur la personnalité de son géniteur. Un gars qui dit chercher l'équilibre entre une vie familiale rangée et celle plus dissolue des tournées à travers le globe. Un artiste et un être humain pour qui les remises en question sont le lot commun, écartelé sans cesse entre une sombre folie (l'incroyable
Metodisima en atteste) et l'harmonie des sens (le séraphique
Celestial et son sample du
Liberty de
Keren Ann).
Aussi longtemps que de tels tiraillements auront ce genre de conséquences, nous continuerons à faire honneur à cette musique, précieuse et intelligente. Un art qui se perd et que très peu au final parviennent à maintenir à ce niveau d'inspiration.
Luciano, un soleil à son zénith.
Chroniqué par
Yvan
le 08/10/2009