Tôt ou tard il faudra bien se rendre à l'évidence. Au XXI° siècle les musiciens ne se contenteront plus forcément de pondérer leurs choix et d'adopter la trajectoire harmonieuse du plan de carrière finissant immanquablement en plan de retraite rémunérateur, pour privilégier plutôt les ruptures frénétiques et les replis impromptus.
Vu que de toute manière tout est appelé à terminer en vétilles digitales, poudre de métal et silice broyé, autant laisser l'instinct et le goût du danger mener la danse. Le temps faisant le reste...le tri notamment.
Boxcutter est de ces artistes pour qui le temps roule favorablement. Producteur d'un dubstep bohème et aventureux, reconnu pour ça, l'aura internationale et des disques fondateurs en prime (
Glyphic restera dans les annales comme un des plus remarquables du style), le Nord-Irlandais
Barry Lynn a décidé de changer de braquet. Au risque de larguer en route une bonne partie de son fan-club.
En proposant sur ce
Arecibo Message le fruit de ses élucubrations futuristes, il paraissait évident qu'il n'allait certainement pas tenter de servir tout le monde. Mais bien de poser quelques jalons et délimiter les contours à venir d'un genre qui ne vit jamais mieux qu'en étant hybridé. Et du coup, en devient plus épanouissant à jouer (qu'à écouter, crachent déjà certaines langues de vipère).
Clairement, on dépasse largement ici le simple effet de style, autour de l'astronomie ou de la science-fiction (le "message d'Arecibo" est un message radio complexe émis vers l'espace à destination d'"autres auditeurs").
Beaucoup moins syncopé, plus organique, son dub fait la part belle aux synthés et autres effets analogiques. Le tout mis au service d'une inspiration débordante, qui si elle semble un brin bordélique et difficilement maîtrisée finit par apparaître telle qu'elle est vraiment : protéiforme et visionnaire.
C'est d'ailleurs là où le bas blesse. Trop de pistes ouvertes - en soi de beaux présages pour l'avenir - et à la sortie, si ce n'est un manque certain de cohérence, du moins un disque qui tient assez mal la distance. Un comble quand on a écouté ce départ en fanfare. Un début d'album qui laissait espérer autre chose. D'abord, on découvre un dubstep plein d'âme (
Sidetrack, à-la-
Burial ou presque, avec ces voix trafiquées et cette réverb d'outretombe), de l'électro-disco tendance electric-boogie (sur
Spacebass, les 80's, les films de Don Simpson et un Roland TR808 lancé à fond de caisson) en passant par une I.D.M. obscure (le morceau éponyme, sombre et mal luné, véritable sommet du disque).
Puis, sans une once de précautions, on glisse directement vers des expérimentations plus classiques (l'enchaînement
Sidereal Day/Otherside Remix), certes bien senties (les chaloupés mais plan-plan
Lamp Post Funk et
A Cosmic Parent) et intelligentes (l'hyper mental
Free House Acid autre coup de génie ou le drum'n'bass
Kab 28). Mais aussi, il faut l'avouer, bien loupées (
A Familiar Sound, R'n'B cybernétique dégueulassé de voix ignobles) voire littéralement plombées (
Arcadia 202 et
Old School Astronomy allusions rétro-futuristes plates et sans âme).
En somme, c'est techniquement irréprochable, fantastique d'inventivité, mais certaines orientations prises par
Boxcutter laissent perplexe. D'un autre côté, elles permettent aussi d'entrapercevoir quelques perspectives d'avenir pour un genre qui malgré tout tend délicatement à s'asphyxier. Difficile finalement de se faire une idée arrêtée. Laissons le temps faire le tri ...mais ça on l'a déjà dit.
Chroniqué par
Yvan
le 14/09/2009