Lorsqu'on parle d'initiatives innovantes en matière de diffusion musicale, on pense à
Nine Inch Nails ou
Radiohead. Mais bizarrement, quand on pense musique gratuite, on imagine tout de suite avoir affaire au skeud moyennement convaincant d'un pauvre gars n'ayant eu d'autre choix que de le lâcher sur le net. Ne niez pas. La pensée vous a déjà effleuré l'esprit. Il faut reconnaître une part de vérité dans ce solide cliché. Mais aussi vrai que des étrons s'échouent chaque jour dans les rayons de la Fnac, de magnifiques roses bourgeonnent sur la toile et passent complètement inaperçues. Le chroniqueur peut bien s'amuser à sabrer un succès qu'il juge non mérité ; son rôle est aussi, s'il le veut bien, de dénicher des skeuds de qualité dont l'exposition se réduit à peau de chagrin.
Ayant déjà bossé de l'autre côté de la barrière, à la promotion, j'en ai vu des tas de branleurs qui se prétendent chroniqueur soumettre les artistes à la règle du
"tu m'envoies un CD." – comprendre :
"sinon tu peux te brosser pour que j'en touche quelques mots." Certains ont un semblant de conscience : c'est comme ça que marche leur rédaction, ou ils n'écoutent que sur leur vieille chaîne hifi. Admettons. D'autres n'en ont strictement rien à foutre ; ils refusent les gravés en prétextant être attachés à l'objet. Peut-être s'imaginent-ils que cela leur est dû. Peut-être ne leur est-il jamais venu à l'esprit que le chroniqueur pouvait aussi fouiner, au lieu de faire du troc comme pour mieux justifier une position de dernier maillon de la chaîne de production.
Je vous vois déjà venir me casser les couilles parce que je divague. Et pourtant, je suis au cœur du sujet. C'est comme ça que je me redonne foi en la presse musicale – ce n'est pas une mince affaire. C'est comme ça que je me donne l'impression que ces branleurs, qui échangent un billet contre un beau digipak cartonné ou l'achat d'espaces publicitaires (dure réalité à laquelle doivent se confronter les petits artistes qui tentent d'intéresser la presse papier), ne constituent qu'une triste minorité. En parlant d'artistes talentueux dont le MySpace est aussi visité que celui du Bouvier Bernois de ma cousine. En faisant mon boulot de fouineur.
36 a beaucoup de mérite. Il a sorti un album de qualité. C'est quand même un peu pour ça que j'en parle. Il l'offre en téléchargement libre, ce qui est plutôt cool. Et il propose même aux internautes de mettre le prix qu'ils veulent pour se procurer la version CD. C'est suffisamment rare qu'on nous prenne pas pour des cons pour être souligné, et ça prouve aussi la confiance que
36 accorde à son public. Achetez-le un centime ; vous ne lui ferez pas seulement perdre des thunes, vous aurez aussi, une fois l'album entre les mains, la satisfaction de passer pour une bonne raclure.
Hypersona est une collection de pièces ambient sur lesquelles
36 égrène de petites mélodies. Il me rappelle beaucoup
Le Fumeur de Ciel, de
Julien Neto. Ça fait léger comme description. Je sais. Mais c'est comme ça que je me redonne foi en le lectorat de la presse musicale. En me disant que ceux qui auront le courage de me lire jusque là auront aussi la curiosité de cliquer avec leurs petits doigts sur ce
lien, de prêter une oreille à cet album que je vous assure être magnifique.
Chroniqué par
Tehanor
le 19/06/2009
