AGF & Delay, tandem artistique sur disque, amoureux à la ville (l'Allemande
Antye Greie-Fuchs et le Finnois
Sasu Ripatti dans le civil), reviennent sur le devant de la scène après quatre ans d'absence. Une absence somme toute relative, chacun ayant œuvré dans son coin depuis leur dernière sortie (
Explode).
Un couple d'union libre donc. Lui s'attelant à faire vivre ses projets solos comme
Luomo et
Uusitalo parmi les plus connus. Elle, occupée à animer son label
AGF Produktions, et produire sa musique (dernier album en date
Words are Missing en 2008) et celles des autres comme
Quio ou encore
Sool, la dernière sortie en nom propre de la patronne de
Bpitch Control. C'est d'ailleurs chez ce dernier que
Symptoms est signé.
Un album orchestré par
Delay, qui définit alors les contours de l'espace dans lequel sa muse va pouvoir s'ébattre et poser sa voix. Une véritable réussite et à la clé de la pop mutante de toute beauté. Aussi loin des mignardises "poptroniquées" que des esclandres de l'électro-clash, cette musique s'épanouit totalement sous le joug d'une tension rythmique quelque peu austère, la patte boréale, là traversée par le chant d'
Antye, ici juste effleurée. C'est dire que ce disque sait se faire vif et changeant, évitant la morosité qui dégouline par moment de ce style - l'électronica chantée on dira - souvent boursouflée d'un quant à soi puant à mourir.
Ainsi,
Symptoms s'ouvre sur un orage (
Get Lost), en forme de mirage, sorte de trompe-l'œil météo mettant en scène une musique toute en overdub qui manque foncièrement de saveur. Mais dès le deuxième morceau (
Connection), le vrai visage du binôme se dévoile, le projet prenant réellement corps : beats tranchants, voix sensuelle teintée d'une soul futuriste, sens flagrant du climat... La machine à dévergonder la pop est lancée plein pot. Et rien ne semble pouvoir l'arrêter.
La suite oscille alors de rythmiques plus torturées et envoutantes sur lesquelles rebondissent les mots d'
AGF (le technoïde
Dowtown Snow ou le génial
Outbreak et ses variations drum'n dub épileptiques), en effluves narratives, sorte de slam mutin portant le combat au front d'une électro d'abord ramassée et distordue (
Generic et sa disco mécanique), puis plus liquide, apnéique (
Most Beautiful et
Second Life plongée vertigineuse dans un bain dub cybernétique), et parfois franchement vicelarde (le titre éponyme et une
Antye qui joue à merveille la midinette au micro).
Cet opus est ainsi, plein de recoins où érudition (une production magistrale, des textes affinés) et poisons captivants (ce timbre vocal en est un des plus puissants) font baisser pavillon aux plus réfractaires. Et nous en étions.
Un imparfait bien à propos ici, tant ces dix titres, alcools tantôt liquoreux, tantôt corsés sont parvenus à nous transporter où on ne pensait pas retourner de si tôt et à changer notre perception. Avec élégance et subtilité de surcroit.
Voilà en somme comment ces deux tourtereaux et leur projet sous ses aspects très intellectualisés, arides et trop sérieux, ont malgré tout réussi à ranimer notre goût, jusque là altéré, pour les unions pops et électroniques. Des mariages qui loin d'être contre nature, sont si souvent fatigants, et n'auront que trop rarement eu cette force de persuasion et une telle efficacité immédiate. On ne les remerciera jamais assez, je crois.
Chroniqué par
Yvan
le 20/05/2009