Nan mais merde. Où
Hecq va-t-il donc s'arrêter ? J'ai découvert
Hecq avec
Scatterheart, en 2004. A l'époque, l'allemand était perdu au milieu d'une scène IDM en pleine effervescence. Juste un type de plus qui faisait une musique certes très sympathique, mais pas de quoi lui faire porter l'étendard du genre. Pis, à mesure que les grandes pontes déclinaient ou disparaissaient tout connement,
Hecq continuait son petit bonhomme de chemin, s'améliorant toujours à chaque nouvelle galette. Il y a eu le très bon
Bad Karma, puis l'excellent
0000. Il y a eu
Night Falls, sorte d'essai électro-acoustique à considérer à part dans la discographie. Et là, après ces deux derniers albums à l'electronique épurée,
Hecq revient aux racines : un IDM pleinement assumé, avec son lot de mélodies, d'ambiances, de rythmiques élaborées et d'effets pyrotechniques. Lorsqu'on écoute
0000 ou
Night Falls, c'est comme si
Hecq s'était retenu d'en faire trop pendant ces quelques années ; comme s'il s'était dit :
"j'attends de bien maîtriser le bazar, et après seulement j'enverrai la sauce".
Steeltongued est donc une sorte de
Bad Karma (dont un titre est d'ailleurs remixé) murî après quatre ans de travail technique. Et bordel, quelle bouffée d'air ! Je n'avais pas ressenti ça depuis le dernier
Cautella, du (presque) regretté
Richard Devine (car la période
Cautella est belle et bien enterrée, il faudra que je m'y fasse).
Steeltongued est un album tout en nuances.
Hecq oblige, on retrouve les plages ambiantes qu'il affectionne tant – lesquelles n'ont jamais paru aussi profondes – mais d'autres pistes qui se veulent plus incisives. Celle qui a donné son nom à l'album, par exemple, où l'on croirait entendre un vieux
Leafcutter John revisité façon 2009 ; ou encore
I Will Survive, grosse surprise de l'album.
Hecq n'avait jamais, à ma connaissance, invité de MC à poser sa voix sur un de ses morceaux. Sur
I Will Survive, le résultat est complètement bluffant, et
Amon Tobin peut bien aller se recoucher avec son fadasse
Two Fingers. Autre grosse surprise :
Howler.
Hecq s'y essaie au breakcore. Vraiment, j'ai du mal à croire que l'allemand, d'habitude si serein, pousse son envie d'en découdre jusque là. Ce n'est pas pour ça qu'on l'apprécie,
Hecq, mais on lui pardonne cet écart car ce petit coup de vénèr est diablement réussi.
C'est bien simple, l'IDM ne m'avait jamais paru aussi bien maîtrisé techniquement que sur
Steeltongued. Les plages ambiantes sont d'une beauté à pleurer ; les bizarreries glitch, malgré leur extrême complexité, coulent dans les oreilles avec une remarquable limpidité. Tout est parfait : le triptyque atmosphérique
Hypnos à l'onirisme alcyonien, comme les pièces mécaniques aux intrigues implexes. Et non content de composer un album qui envoie sévère,
Hecq propose une deuxième galette de remixes par les IDMistes de seconde génération parmi les plus intéressants du moment :
Raoul Sinier,
Ultre,
Blackfilm, pour ne citer qu'eux. La messe est dite. Cet album est magnifique.
Hecq ne confirme pas seulement son talent, il se hisse parmi les plus grands.
Chroniqué par
Tehanor
le 06/04/2009