La fin d'un siècle. Le XX°. Le label
Anticon affirme sa singularité, offrant au monde sa vision novatrice du beat en lui lançant à la figure ce qui restera sans doute comme leur
pronunciamento rapologique,
Music For The Advancement Of Hip-Hop.
Justin Levy aka
Dj Signify en était.
Début d'un nouveau millénaire. Le Troisième.
Lex Records émerge et marque les esprits de son empreinte obscure. Devinez quoi ? Il en était aussi (son
Sleep No More fait encore référence aujourd'hui).
Ce talentueux turntablist, membre du collectif
1200 Hobos et du
Cryptic Soul Crew, s'impose donc comme un beat maker aux intuitions sûres, toujours dans les bons coups, stylés et exigeants (on vous passera ses faits d'armes pour
Clouddead,
Buck 65, les labels
Mush ou
Big Dada).
Il revient cette année avec
Of Cities, signé chez les indés de
Bully Records (
Meaty Ogre,
Sixtoo). Disons que, pour résumer, tout bagage vertueux qu'il ait sur les bras, on reste loin d'un nouveau bouleversement du double H. Ce qui n'empêche cependant pas l'artiste, et c'est suffisamment exceptionnel pour le noter en gras, de continuer avec conviction et persévérance de tirer cette discipline vers le haut. Certes, doucement, voilà bientôt 5 ans qu'on n'avait plus de nouvelles (abstraction faite du très classique 7"
Nobody's Smiling ici sous l'intitulé
1993 avec toujours
Blockhead en invité). Mais surement.
On retrouve la même approche, un thème - ici la ville, la nuit bien entendu - autour duquel il brode de fils noirs et rêches des compositions envoutantes autant que délétères.
Signify a le rythme corrupteur, paralysant par endroit, effroyablement dépouillé. Ses instrus sont à l'avenant, collant parfaitement au flow ravagé d'un hôte de choix,
Aesop Rock, qui sort grandi des deux morceaux sur lesquels il pose ses rimes torturées (une préférence pour l'arraché
Low Tide).
Dans une démarche toujours aussi personnelle - on reconnait aisément sa patte avec ces basses vrombissantes - là où d'autres surfent de vague en vague, se ramassent quelques gadins pour deux trois vivas,
Levy accentue sa griffe, confirme son propos et son attirance maladive pour les ténèbres (l'intro
The Sickness, ses synthés mélancoliques et cette voix robotique en français annonce d'emblée la couleur, pour peu que le noir en soit une).
Les quelques glitchs saupoudrés de ci de là (le brumeux
The Gods Get Dirty), les samples de Blue Grass (le branque
Costume Kids) comme les clins d'œil kraut (sur
Hold Me Don't Touch Me on sent même des accointances avec le
Third de
Portishead) s'ils apparaissent comme autant de petites nouveautés, n'y changeront pourtant rien. L'ambiance générale de ce
Signify est dans la lignée ce qu'il a toujours fait (il devrait tout de même lâcher un peu de lest avec les interludes, ça sonne un brin daté).
A son train, il suit sa route vaille que vaille, contre modes et marée. Se foutant du tiers comme du quart qu'elle ait été depuis tant de fois empruntée. On ne peut que lui souhaiter qu'elle soit une fois encore plus agréable que monotone. Comme l'a été globalement l'écoute de ces titres.
Chroniqué par
Yvan
le 22/01/2009