Effrayant ! Enragé ! Audacieux ! Surprenant !
Petit prolongement en mots de ce que l'écoute du nouveau
Quentin Dupieux a pu générer comme attributs. Et tentative de démarrer ce billet comme ce
Lambs Anger est mis à feu : la rage et l'envie de changement chevillée au corps avec en sus une irrépressible envie d'arpenter le dance floor de long en large et en travers. Surtout en travers.
Voila en effet une sortie qui galvanise les foules - comme souvent avec celles de ce drôle d'
Oizo - mais pour une fois pas seulement pour ce qu'elle dit (un message qui a d'ailleurs évolué depuis
Analog Worms Attack) mais aussi par la démarche kamikaze de son auteur qui, crame toutes les règles d'usage éthique et stylistique - une signature sur
Ed Banger, ah bravo ! - et fait ce que bon nombre d'artistes oublient souvent : s'abîmer sans calcul, se jeter sans filet et pousser leur démarche au bout. Du coup enfin, il se passe vraiment un truc de consistant chez
Pedro (on a bien eu
Nil mais se fut si bref!), un petit quelque chose qui nous emmène plus loin, nous détache des gimmicks électros ressassés sur ce label et ses tracklists estampillés par le syndic de la hype.
Quelque chose qui semble dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle raisonné, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. Surréaliste c'est ça !
Une comparaison qui dépasse largement le cadre de la référence picturale (la jaquette qui transpose Flat Eric dans cette scène d'ouverture terrible du
Chien Andalou de
Dali et
Buñuel où la jeune femme se fait trancher l'œil au rasoir), qui ici ne sert véritablement que d'introduction à ce cadavre exquis musical, funky et massif, qu'est
Lambs Anger.
Dix sept titres qui pris indépendamment ratissent larges et dans toutes les directions (avec quelques featurings dont la surprenante
Uffie qui fait sa
M.I.A. sur le bancal et pas dégueu
Steroids) mais qui globalement forment un tout où le second degré et une certaine gravité font bon ménage. Ce faisant, c'est autant d'approches possibles que de morceaux qui s'offrent à l'auditeur qui ne manquera pas d'être fasciné par cette excessive diversité, comme à une époque il fut désarçonné, et pour certain charmé, par les sons terribles que
Dupieux sortait de ses machines.
Les temps changent, alors pourquoi pas lui ? La mutation est alléchante et finalement plutôt en douceur. Pour des titres qui tirent nos esgourdes vers les 80's (
Two Takes), la poésie Dada (
Lars Von Sen) en passant par l'electric-boogie pour sombrer corps et bien dans une rave chaotique comme un épisode de Die Hard (
Bruce Willis Is Dead) ou un cauchemard de série Z (
Blind Concerto), on retrouve quelques sessions bruitistes écorchées bien effrayantes (pour les nostalgiques de
Moustache,
W ou le titre éponyme). Et dans chacun d'eux toujours en filigrane ce zeste de folie - un caillou dans la godasse - qui, on le sait, fera qu'à un moment la danse se fera en crabe.
Ce troisième opus est un disque remuant qui finira par vous ébranler sur vos positions. Pro ou anti, enthousiaste ou déçu, cette générosité parfois outrancière (
Positif, courte logorrhée d'insultes et de menaces sur beats foutraques, peut-être une charge contre la revue de ciné du même nom qui aurait descendu son film
Steak, qui sait ?) et cette façon de récapituler son œuvre, de dire son fait tout en proférant ses amitiés, ses modèles (le funk, le surréalisme...), dans un seul mouvement qui pourrait tout aussi bien en être une myriade, tout ça ne vous laissera pas indifférent. Pari tenu ?
Chroniqué par
Yvan
le 14/01/2009