Discerner les faiseurs des modestes, les parvenus des désintéressés, reste assez facile en musique. Quand les premiers n'ont peur de rien pour engranger le moindre kopeck de reconnaissance, les seconds préfèrent patienter, laisser venir, peut-être toute une vie, l'occasion d'accaparer un territoire libre, une endroit bien, leur coin à eux.
Pigeon Funk appartient sans équivoque à cette deuxième caste.
Depuis le début du XXI° siècle, ce duo, ex-trio -
Safety Scissors ayant rejoint d'autres nids (
Carpak et
~scape s'en frottent encore les mains) - s'est taillé petit à petit, et sans forcer ( en 8 ans un maxi et une compilation pour
Proptonix label créé par le partant) un chemin qui les a mené vers des hauteurs toutes particulières. Perché sur sa branche, le colombidé funky peut aujourd'hui, encore plus qu'hier à en juger par le contenu de ce dernier opus, laisser libre court à sa foldinguerie et cette envie qu'on pressent compulsive de tout retourner d'un battement d'aile.
Sur
The Largest Bird..., le duo de Frisco embrasse plus large, regarde plus loin. En figure de proue d'une scène électro californinene qui n'en demandait pas tant, les deux zigues imposent leur vision foutraque du funk, tirant des perspectives écheuvelées, parfois outrancières et déplacées (l'effort baléarico-kitsch d'
Alma Hueco fait un peu pitié) souvent géniales (l'introductif
Mess Call,le bien nommé
Bacchanale qui fleure bon le stupre) qui mènent de zig en zag à ce dance floor où les mouvements, les souffles, sans se répèter, ne cessent de se répondre, s'entretenir.
Tout est en place pour faciliter le débordement, le partage en vrille. Le blues se teinte de jazz, vire au rouge, s'acidule pour terminer branque (
Blues Bus). La techno s'apesantit, prend du coffre (
Brukim Lo, énorme machine quaisi indus), s'embronche dans une production aux circonvolutions exubérantes pour finir exsangue, vautrer dans un canapé Technicolor à siroter un cocktail noyé de sueur (
Tufa, burlesque et violent,
Purple Pigeon électrique). Ici, ça couine, là-bas ça grince, le beat est haché à la serpette, ça fuit de tout bord, tangue et comme dans les concours de sauts dans les flaques de boue c'est à celui qui s'en mettra le plus vite jusqu'aux oreilles (le final de fête foraine et ses freaks manouches
Pom Pom Yom Pom Pom et son intro caverneuse
Mise en scène).
Vous l'aurez compris la musique du
Pigeon Funk est entière, à prendre comme elle est : ludique, lourdingue peut-être, ironique, drôle quand même, irrésistible en somme. Douze titres comme autant de boutades, un énorme badinage électronique, un brin gras sur les bords, filou dans le milieu, à écouter avec le plus grand des sérieux.
Une superbe initiative , bienvenue en ces périodes de fêtes, un succès entre la poire et le dessert, la tronche plein de cotillons et du reste.
Chroniqué par
Yvan
le 22/12/2008