On peut s'attendre sans problème à ce que
Kel McKeown aka
Kelpe se soucie de la renommée comme de son premier charlet, lui qui assure avec brio les parties de batterie de ce nouvel opus signé chez les défricheurs de
DC Recordings, label à l'actualité débordante cette année (les excellents
Padded Cell notamment). De même on imagine que le lignage stylistique -
Clark nouvelle mouture,
Plaid,
Four Tet...- ne le touche absolument pas. Enfin, les explications que l'on pourrait chercher au fait qu'il ait diversifié sa production, lui permettant ainsi de ratisser large et de passer sans sourciller du salon au dance-floor et vice-versa, doivent le laisser froid.
Après on vous parle de ça, mais qu'en sait-on finalement ? Encore une fois, tout n'est qu'élucubrations. Pauvre réflexe de raisonnement. Juste parce qu'on se retrouve au cœur de l'electronica, où en deux décennies bon nombre de voies ont été ouvertes par toute une horde de sherpas plus ou moins avisés. Disons le clairement, rien dans cet album ne va bouleverser l'ordre des choses, la hiérarchie restera en place. Mais l'ouvrage est à ce point soigné, laissant transpirer une inspiration de prodigalité et de joie, qu'on s'en imprègne avant tout avec délectation.
En gardant en ligne de mire ces influences lunatiques, qui n'ont jamais tranchées entre euphorie et introspection pour se poser là en termes de fondation,
Kelpe jette un pont de singe, branlant mais bien arrimé, vers d'autres horizons (le post-punk de
Bread Machine Bred est une bonne illustration). Résonne également, au détour de quelques plages bien senties, un certain engouement jubilatoire, porteur d'inventivité et d'une bonne dose de démesure (la malice proto-funk de
Shipwreck Glue, ses balles de ping-pong, ses sons de cloches des alpages, fallait osé là !). L'Anglais jou(i)e de sa rythmique (l'electro-hip hop de
Half Broken Harp), noie son beat dans des liqueurs mélodiques corsées (on se reprendrait bien une lampée de ce
Cut It Upwards), se payant même la gaufre d'assumer sur la longueur son foisonnement d'idées. Bien joué.
Ainsi la bonne nouvelle dans cette histoire n'est pas seulement que
McKeown assure la synthèse entre un background connoté et de nouvelles pistes de travail, dans un constant soucis d'hybridation (à découvrir à ce propos son remix sur le prochain Lp des revenants de
Red Snapper) et de surprises. On appréciera tout autant le turnover, par ses audaces de partis pris (l'intégration de sessions instrumentales live par exemple), ses embardées downtempo (
Skylla), insufflé à un genre - l'electronica - qu'on pouvait facilement imaginer, à terme, épinglé, cireux, au fronton du panthéon des musiques intelligentes.
On pensait que
Kelpe nous annonçait avec ce titre -
Ex-Aquarium - son désir de sortir la tronche de son bocal "électroniqué". On comprend après quelques écoutes qu'il rêve ce dernier à ciel ouvert, et qu'il s'y sent comme un poisson dans l'eau. Un exocet, prêt à décoller quand ça lui prendra.
(A écouter
Extraquarium album de remixes)
Chroniqué par
Yvan
le 23/11/2008