A l'aune du XXI° siècle,
Minilogue s'appelait aussi
Son Kite et sortait alors un double LP psy-trance intitulé
Minilogue. Huit ans plus tard, la trance se pare de minimalisme, l'éponyme devient patronyme, avec à la clé cette actu, la première sortie en long format (double et signée chez
Sven Väth) sous cette nouvelle bannière.
Animals ne débarque donc pas de nulle part, son étourdissante fluidité finissant de dissiper les malentendus.
Marcus Henricksson et
Sebastian Mullaert sont dans le circuit électro depuis un moment, et leur musique s'est enrichie de leur parcours. De plus en plus labyrinthique, grisante, mais à force d'être accueillante, si promptement pressante. Depuis les débuts, et les premiers Eps signés en Suède (notamment chez
Maskros Music), on avait déjà retenu une collection de sonorités déposées dans le creux de l'oreille par des mains expertes, excellant dans l'art de la confidence. On s'était dit que cette musique, composée à tant de distance, aurait pu habiter et crépiter ici, dans un coin. Impression confirmée depuis, et définitivement actée par
Animals, avec lequel le duo atteint les sommets d'un art familier et pluriel.
Pas facile pourtant, de ne pas se laisser aller au modélisme bordélique et à l'échantillonnage foisonnant, quand on choisit de présenter un tel panel sonore. Mais difficile aussi dans cette posture, de ne pas sombrer dans l'hypertrophie conceptuelle, lorsque toute l'essence d'une idée - deux disques, deux ambiances - veut s'insinuer du milieu du dancefloor jusqu'à l'intimité introspective de l'auditoire. Ni bas du front, ni vaniteux,
Animals, dans sa double acception (une partie tech house, l'autre plus ambient) est parfait, subtilement agencé à l'échelle humaine, sans calculs ni feintes.
Ici, la musique n'est jamais victime d'un peinturlurage cosmétique, ni le prétexte à épingler du chromo sur le "avant c'était mieux". Pas de réactualisation malicieuse, de réactionnisme ou de "vintagisation" du propos chez les
Minilogue. Juste la réappropriation d'un langage de peu de signes, et de beaucoup de nuances. Un langage résurgent que plus grand monde n'utilise, mais intelligible du plus grand nombre, comme inscrit dans l'inconscient collectif, reconnaissable dans l'instant, tant il parle clairement à la tête et/ou aux jambes.
Ainsi, à travers le prisme de cet Esperanto sonique, on comprend sans y réfléchir, pourquoi ces douces merveilles mélancoliques nous chavirent (
City Lights rythmé par le pouls d'une ville en sommeil) ; on saisit sans se l'expliquer, comment ces pures bombes joviales nous mettent en âge (le tournoyant
33000 Honeybees, imparable). Rares sont ces occasions où, en recevant autant de vibrations, à la fois telluriques (
Jamaica boucle hypnotique et matière en fusion) et spatiales (l'astral et hanté
Swamp Op et son sax drogué), on n'ait pas à rougir de laisser ainsi prévaloir l'instinct et l'atavisme sur l'intellect. Il y a longtemps qu'on n'avait pas trouvé si captivant et touchant, jouissif (enchâsser chaque titre des deux disques est une expérience de cet ordre) et bouleversant (le tryptique
Stations) d'aborder par ce versant l'exploration d'un disque. Et bien oui, l'écoute animale, une première en ce qui nous concerne.
Chroniqué par
Yvan
le 06/11/2008