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Boredoms

: Super Roots #9



sortie : 2008
label : Thrill Jockey
style : Rock psychédélique

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Tracklist :
01/ Livwe!!

Depuis qu’est sorti ce neuvième volet de la série Super Roots de Boredoms, on nous serine un peu partout (du moins dans les quelques – rares – médias qui ont pris la peine d’en parler) que le groupe de Yamatsuka Eye (changé ensuite par sa propre opération en eYe) est un groupe « culte ». Statut qui, au fond ne veut rien dire, mais qui a une fonction journalistique précise : activer l’énigme par excellence, celle qui nous dispensera de rien comprendre, à savoir : pourquoi Boredoms (comme n’importe quel groupe culte) n’a-t-il pas obtenu le succès qui lui revenait de droit, pourquoi son audience s’est-elle limitée au cercle fermé des fans hardcore ? Même en signant sur une major, même avec le soutien des plus gros mastodontes du rock alternatif américain des 90’s, même en jouant au Lollapalooza, même en intégrant le groupe de John Zorn (Naked City). On ne peut pas regarder le soleil Boredoms sans chausser les lunettes du mythe, qui feront obstacle, précisément, à un accès plein et direct. Enigme définitive, objet soustrait à la connaissance, fantasme de musicien, chimère de critique.

Passé à la fin des 90’s d’un rock noisy relativement conventionnel en regard de ce qui se fait dans le genre au Japon à une musique qui, cette fois, était parfaitement inouïe dans sa manière d’aller chercher le cœur le plus dur du krautrock pour fabriquer à partir de cette tourbe instrumentale de longues coulées sonores psychédéliques, Boredoms, c'est certain, a dû perdre quelques auditeurs en route. Les changements de nom ponctuels, les modifications de line-up, ou certaines sorties confidentielles n’arrangeant rien, sinon la légende dorée, sublime que s’est déjà bâtie la formation. La série des Super Roots est pour beaucoup dans l’élaboration de cette légende et, simultanément, dans la restriction de l’audience du groupe. Disques produits, distribués et commercialisés à la marge, enregistrés parfois de manière plus que sommaire, et en un temps record, ils définissent à partir d’une partie plus visible de leur discographie, une sorte d’art brut. Une musique qui en tous cas envoie valser les ornières mentales des auditeurs, et probablement des musiciens qui la produisent. On croirait que la formation ne s’interdit rien, et qu’elle se dirige vers certaines bizarreries de style avec d’autant plus d’allant qu’elle les sait déstabilisantes, inconfortables, inajustées, fuyantes.

Vieux problème, increvable, de l’écriture – musicale, littéraire : inventer une langue au cœur de la langue, inventer une langue qui soit comme un grand déchirement planétaire, une langue qui soit tout entière un acte de rupture, qui ne dise rien, n’énonce rien, mais ne soit qu’une longue et incessante, entêtante rupture menée tout du long de sa propre syntaxe. Langue impossible à parler, langue qui est une manière de naître à nouveau, de reprendre tout à neuf, pour qui l’invente. Ce fantasme, qui n’a jamais été et ne sera jamais qu’un fantasme, on l’entend tourner en surrégime dans la musique de Boredoms, et même, on n’entend que ça. Absolue victoire d'un regroupement d'hommes sur les limites réelles d'un art que l'on rêve(rait) illimité. A supposer que la musique soit un langage – et par conséquent une forme d’expression – on pourrait imaginer un de ses multiples et possibles point terminaux sous la forme exacte de la musique de Boredoms.

Thrill Jockey, premier sur les bons coups, publie donc Super Roots #9, neuvième volet mais pas vraiment (entre le premier et le neuvième, certains, maillons purement imaginaires, manquent). C’est un enregistrement live. De facture apparemment fort simple. Trois batteries déversent un feu continu et polyrythmique, sorte de fleuve percussif géant, démentiel et qui charrie avec lui quantité de sonorités acoustiques, électriques, électroniques, analogiques ou numériques bizarres, sons passés par des pédales d’effets, sons générés par on ne sait quelle machine triturée par eYe, sons archaïques, ou sonorités de ce qu'il imagine – probablement – être la création du monde. Sur ce tapis de batteries, une autre couche sucre glace, de chœurs extatiques celle-ci, à vingt-quatre voix. Nulle parole ne vient entacher la pureté de l’expérience vécue par ces vingt et quelques chanteuses. Maniant les platines et tout un bordel électronique innommable, eYe manipule en direct cette source sonore humaine, cette transe vocale collective. Dans son mouvement, cette longue pièce monte et descend, se cabre, avance bon gré mal gré, emprunte les détours les plus inattendus, tout en continuant de filer droit vers une non destination, ce silence final qui vous laissera pantelant, abasourdi, épuisé par l’aventure. Cette musique ne vient de nulle part, il vous faut donc vous dépêcher de vous en saisir avant qu’elle ne s’y engouffre à nouveau.



Chroniqué par Mathias
le 08/10/2008

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