A titre préventif, histoire d'avertir l'auditeur, sachez que quiconque traverserait sans prendre le temps de flâner, cet espace sonore agencé par l'homme que l'on nomme
Flying Lotus, prendrait le risque d'en ressortir sans rien avoir perçu des splendeurs, pourtant conséquentes, qui le jonchent. En clair, les frappés du flash de la première écoute devront se rendre à l'évidence et se faire quelque peu violence,
Los Angeles est de ces albums foisonnants qui se gagnent avec volonté, se méritent en somme, mais qui savent rendre sans compter le peu de temps qu'on leur aura concédé.
Mais attention, ne pas prendre Mr Elison pour le Kiloutou du beat. Non, chez lui on ne trouve pas de tout. Pas de ligne mélodique bien caractéristique auquel se rattacher, encore moins de gimmick fédérateur, ni de featuring goguenard et surtout pas de tour de force intempestif (même si le rocambolesque
Riot exagère un peu). Plutôt une atmosphère de fin de nuit, moite et touffue, nimbant une ville que l'on situe difficilement sur Terre, l'ensemble installé par une science terrifiante de la boucle, shootée aux sub-bass, à la fois singulière et exigeante, tout du moins suffisamment pour parvenir à charmer sans donner l'impression d'essayer de le faire.
Pour la plupart de ces 17 vignettes urbaines foutrement collantes, gluantes même, l'élégance générale reste de mise (ces voix soul sur
Testament et
Auntie's Lock), la rigueur de la production et la variété des pistes explorées par notre beatmaker en remettant une bonne couche : rythmes tribaux et percussifs s'emboîtant à des sonorités martiennes, mi-animales mi-mécaniques, dans une ambiance psychotropicale ravageuse qu'on n'a rarement sentie aussi parfumée (l'enchainement de
GNG BNG et
Parisian Goldfish exsude à plein tube, la bonne "tête" aux pistils gironds).
Au-delà d'agiter exclusivement le spectre du promeneur solitaire trainant son ombre dans la mégalopole - on ne peut renier l'énorme plaisir pris à zoner avec ce son dans les oreilles -
Los Angeles reflète à merveille, et par dessus tout, la folie douce qui semble habiter
Fly Lo'. Et si cette dernière peut désarçonner jusqu'à l'embarras (le temps d'un
Robertaflack bravache certes, mais franchement fatigant), elle génère de bons moments de prise de pied neuronale (
Auntie's Harp et ses percussions hypnotiques est tout bonnement incroyable ).
Inutile de préciser qu'on se situe là, à mille bornes au-dessus du sol. On ne met pas non plus deux plombes à percuter qu'en fin de compte
Flying Lotus n'habite plus vraiment la Cité des Anges et que ce n'est plus depuis le pavé tant de fois arpenté qu'il s'adresse à elle, mais bien là-haut, avec vue panoramique sur ses atours galopants et ramifiées, comme cette musique sait l'être. Tentaculaire et haut perchée, dans les étoiles exactement.
Chroniqué par
Yvan
le 26/09/2008