A vu de nez, comme ça, la dernière fois qu'on a vu le mot "marvelous" sur une jaquette de disque c'était à Emmaüs, sur un très vilain disque de
Billy Crystal (
You look Marvelous... ouch !), oui le petit frisé qui rencontra Sally. Ce qui n'a rien à voir avec notre affaire.
Enfin presque : contre toutes ces musiques à l'haleine de poney, refoulant du refrain jusqu'à rancir du gimmick, ce deuxième album de
Debmaster peut radicalement servir de remède à tant de morosité. Un sérum au menthol, en bombe aérosol. Frais et sous pression.
Peu concerné par l'activisme un brin consternant des gardiens de chapelles et autres chantres du communautarisme musical, qui le classaient définitivement dans le rayon "beatmaker hip-hop", le
Deb profite de cette absence de contraintes pour tenter quelques expérimentations et jongler avec ses trouvailles.
Marvelous Dump est la concrétisation en 15 titres de ces acrobaties supersoniques.
En effet, le successeur du déjà excellent
Monster Zoo frétille sous une montagne d'idées toutes plus cintrées les unes que les autres.
Entre l'envie d'un meneur de revue obsédé et l'entrain d'un M. Loyal survitaminé, ce braqueur de beat fait défiler toute une ribambelle de glitchs malins et de parasitages aliénés dans une ambiance fiévreuse, lourde de basses, laissant moins d'espace aux featurings ( le trio
Existereo,
Innaspace et
Phever est insurpassable dans sa cavalcade effrénée derrière l'instru fumasse de
Cold Crush).
Sans fioritures mais tout en foisonnement, cette palette sonore reste bien loin de ce que la campagne angevine, terre d'accueil de notre héros, semble porter comme source d'inspirations. C'est du moins à espérer pour les gens du coin, tant tout y est déglingué et tourmenté, un peu anxiogène par endroit. Et dans ces registres,
Debmaster n'a économisé ni sa peine, ni ses effets.
Dispendieux comme jamais - ce qui est tout à son honneur - on peut lui reprocher cependant d'oublier parfois de nous exposer suffisamment longtemps le fruit de ses illuminations (
Pimp Time et
Hell Sping nous laissent sur notre faim), de nous ménager des plages d'adaptation à l'explosion incessante de ces morceaux électro-surprises (la crasse de
GS Warriors ou la voracité suave de
FTP ne nous préparent à aucun moment ni au cybernétisme crétin de
T'inquiète ni au final funambulesque et ascétique de
Joakim In A Tree). Ça ricoche beaucoup, de partout et on craint, à la première écoute, de voir cet opus grouillant s'étouffer dans son trop plein d'idées.
Seulement voilà, à la longue cette mixture sonore, compote hétéroclite coupée aux amphétamines (substances dont
The Mole a certainement dû abuser pour assurer son flow sur la bastonnade au hachoir de
Suicide City), occupe le cortex, y prend des couleurs dont les nuances font saliver, transpirer (le furieux
Crash Your Sport Car), arrachant allègrement les sens (comment se relever indemne de ce
Superman, orgie 8-bit tentaculaire et abrasive) au moins tout autant que celles qui enluminent le spectaculaire artwork de ce joyeux foutoir.
Un foutoir, soit dit en passant, tout à fait relatif, où l'incohérence n'aurait plus sa place, où la mise cul par dessus tête de l'auditoire deviendrait une philosophie à part entière, et son instigateur, le porteur azimuté d'une vision certes déroutante, mais hautement maîtrisée.
Une variante dadaïste du beat-making en somme, faite d'exaltation sombre et enfantine, d'un éclectisme quasi obsessionnel associé à une absence totale de considération pour les conventions, le tout forgeant une remarquable soif de liberté, et surtout, une irrépressible envie de foutre le bordel. Merveilleux, le bordel.
Chroniqué par
Yvan
le 11/06/2008