La Californie serait-elle en train d'accoucher d'une nouvelle forme de hype ? Le disque dont il est question est
The Illegal Album ; l'énergumène :
Kraddy. Comme son pote
edIT,
Kraddy nous vient de la côte ouest américaine et exploite les nouvelles vibes du glitch hop et du crunk, celles-là mêmes qui ont converti quelques années plus tôt notre
Tepr national en DJ à lances-flotte fluos.
The Illegal Album est un peu au hip hop MTV ce que
The Grey Album est aux
Beatles, à savoir la refonte complète d'une musique populaire dans un tout autre moule de beats (moule-bite ?). Il s'ouvre sur le célèbre Da-la-da-da-daah de
Snoop Dog, en duo avec the motherfuckin' D.R.E. (
Dr. Dre Motherfucker !), un titre un peu emblématique de cette période où le hip hop west coast venait chatouiller la tête des charts en prenant des accents pop et des filles en string sur les genoux.
Le mode opératoire de
Kraddy est facile à saisir. Prenez une bonne grosse basse, ajoutez un breakbeat présenté dans sa plus simple expression, versez les copeaux de voix que vous aurez bien pris soin de passer au mixeur auparavant. Sucrez, rehaussez éventuellement d'une petite mélodie discrète, et servez le tout dans des verres munis de pailles et remplis aux 2/3 de glace pillée. Comme
Kraddy est un Mister Cocktail bien cool, il offre même la possibilité d'essayer ses propres mélanges.
The Illegal Album est livré avec les parties instrumentales des morceaux au format AIF, histoire de vous prouver à vous-même que vous êtes autant capable de faire la même chose avec le prodigieux flow de
Diam's "génération noowwwon n-n-n-non non".
Mais parler de
The Illegal Album sans évoquer
Bounce Le Remix serait manquer à mon devoir, alors voilà les petites références que tu attendais, cher lecteur. On pense aux travaux de
Ghislain Poirier ; on pense aussi – attention lecteur, plus pointu cette fois – à
Under Dev, du lillois
Deework (la similarité sur
BlackStar est en tout point saisissante) ; on pense parfois à
Richard Devine, en particulier dans la manière dont les rappeurs sont baladés de droite à gauche, réverbés, vocoderisés, warpés, et soumis à toutes sortes de tortures M.A.Oïstiques. On pense à
Prefuse 73,
Funkstörung. Enfin, tous ces types qui ont popularisé le charcutage de voix quoi.
"Un bon compositeur n'imite pas, il vole." Cette petite phrase sortie de la bouche de
Stravinski et jetée sur le site Web de
The Illegal Album lui va comme un gant.
Kraddy pille sans vergogne et propose une véritable dialectique post-moderne du DJ bidouilleur. dblue Glitch (le célèbre VST de Kieran Foster dont je parierais qu'il a eu son mot à dire) a remplacé les scratchs ; le clavier les platines ; et
Kraddy a bien sûr enfilé son pyjama colorful de circonstance.
Yelle risque bien d'être jalouse.
Chroniqué par
Tehanor
le 15/02/2008