"Le nouveau
Magnum 38 est arrivé !".
Voilà une annonce qui défouraille !
Non, ce n'est pas une pub de l'armurier du coin. Juste la dernière sortie de ce gars qui fit ses armes durant les années 80 dans le punk-rock teuton, sur les contreforts de Stuttgart, avant de plonger les pieds en avant dans le bouillonnant chaudron de la drum'n'bass nineties, l'industrieuse ville de Mannheim. Un cheminement qui aboutit à Berlin d'où il propulse depuis une décennie une bande son atypique parmi les plus puissantes et érudites du XXI° siècle.
Outre la marque de fabrique, reconnaissable entre toutes, de ce chef de file fidèle du
Shitkatapult crew, faite de breaks ciselés au scalpel, vrillés de crissements acérés... Au-delà même du
Disco Toni (single issu de l'album et co-produit par le boss
T. Raushmiere), bombe tubesque à la fois écrasée de beats tribaux et gluants et sauvée du crash par la voix suave (salace ?) de
Corinna Vidic ;
Magnum 38 aka
Oliver Greschke produit là un premier long format brûlant et multiple à souhait (après le 12"
Revolver Tracks, krypto-funky au possible, et le plus deep et abrasif EP
4 Fois Le Petit Mort).
D'une part, on a une belle synthèse de son travail réalisé au coeur de la bande de la "Scatapulte" : électro subtile et ténébreuse (
Schiebung, Die Macht der Musik bei Nacht), frénésie drum'n'rave jubilatoire (
Pille Palle, Testosteron Ueberproduktion).
De l'autre, une surprise - on ne l'attendait pas spécialement là - qui doucement se dévoile, de nouvelles facettes s'exprimant au travers de morceaux plus glamour et hédonistes, quasi-hymniques dans la pure veine des conquérants de dancefloor actuels (voix féminines et bleep collant de sueur sur
More - ouh quel titre !!).
Ou carrément à l'opposé, plus introspectifs, à la limite de l'ambient (le minimal
Altitude 36500 Feet, le planant et haut perché
Frankfurter Tor ou les nappes élégiaques en crescendo du final éponyme).
Autant de mouvements de va-et-vient tout en contraste, comme le déroulement du film d'une déambulation, retraçant les états d'âmes d'un anti-héros en proie à des moments de doute extrême, comme à une euphorie teintée d'inconscience volontaire.
Old Europe Strikes Back est un album composite dans ses inspirations, une diversité née moins d'une pulsion opportuniste de bouffer à tous les râteliers qu'elle semble littéralement forgée à même l'expérience, reflet palpable des aspirations engrangées in-situ, au fil d'une route suivie vaille que vaille par ce bourlingueur, tous capteurs en éveil.
Un nomade de première qui a su écouter et absorber pour mieux re-synthétiser une musique singulière. Une faculté qui fait de
Old Europe Strikes Back une arme fatale et sans danger que
Greschke dégaine à la face des médisants qui voudraient voir en ce bout de continent une vieille peau acariâtre et décrépite, dans l'incapacité de se renouveler et d'assumer cette vision, héritée du DIY punk, d'une autre electro possible.
Oui, depuis Berlin il nous annonce que la "Vieille Europe" est toujours debout. Et attention, elle a remis la main sur son flingue (explicit artwork !!).
Chroniqué par
Yvan
le 11/11/2007