Peut-on vraiment trouver un lien tangible entre le
Day of The Dead de
George A. Romero d'un côté et
Girls vs Boys,
The Soft Machine,
Kill The Thrill,
My Brightest Diamond,
Pere Ubu et les musiques exploratrices de l'autre ? A priori non. Sinon ce parallèle subjectif et contextuel qui veut que ces quelques mots soient écrits en face de zombies qui s'éviscèrent allègrement, avec dans nos oreilles
Our Moon is Full, premier album des
Strings of Consciousness faisant suite à leur split vinyl avec le
Kammerflimmer Kollektief.
Certes, c'est un brin tiré par les cheveux mais les faits sont là et jouent en notre faveur tant il n'était pas évident, à la découverte de ce "super-groupe", de ne pas sombrer dans du name-dropping indigeste (ce qui est malgré tout en partie fait !). Un mal pour un bien qui permet de s'en imprégner plus sereinement , en lorgnant ailleurs que sur les papiers d'identité.
11 musiciens et 7 voix pour 8 morceaux qui concentrent une quantité ahurissante de styles - ambient, indus, spoken word, post-rock - pour autant de spécialistes (cf. notre piètre pirouette introductive).
Face à de telles rencontres, on a appris à se méfier. Vigilant pour éviter d'être déçu, parce qu'on finit par les connaitre, ces dream-teams qui empilent les références plaquées or. Ces agités du bulbe qui ont le crâne confits des mille et une façons de transformer les milieux de routes en véritables champs de batailles, de creuser des trous énormes dans tout ce qui a fait la musique, de près comme de loin, depuis l'avènement du microsillon, mais sont dans l'incapacité de canaliser et d'organiser collectivement leur création.
Heureusement, l'expérience aidant - et ceux-là sont loin d'en manquer -
Philippe Petit (patron de feu
Pandemonium et actuellement de l'excellent label phocéen
Bip-Hop) et le multi-instrumentiste
Hervé Vincenti, binôme instigateur du projet, se sont chargés de cette phase primordiale : la composition de la feuille de route.
Aussi libre qu'elle puisse paraître, la musique de
Strings of Consciousness est en effet dirigée. Orientée même, sur la base de minutieux plans (et d'échanges de fichiers sonores via la toile) dessinant les contours des lieux à explorer, autant de tracés élaborés au fil de ces 15 dernières années, passées à sortir des disques de musiques expérimentales, d'ambient ou de noise. Ils ont ainsi créé à 4 mains (
Philippe au laptop,
Hervé à la guitare et sampler) ce cadre providentiel, fait de boucles et d'ambiances apaisées, qui a permis aux musiciens et chanteurs invités de s'ébattre sans d'autres contraintes que d'assumer les sauts dans le vide, les descentes en looping, embarqués qu'ils ont été sur ces itinéraires prévus uniquement pour eux.
Cette équipée sauvage parvient ainsi à maintenir le cap de bout en bout de l'album, s'orientant à la voix, à des altitudes hallucinantes. Des voix qui s'insinuent autant dans des espaces alambiqués, tordues entre tempêtes et chimie orgiaque (toute la première partie de l'album supra-cadencé avec le sommet cinématique
Sonic Glimpse porté par le timbre imparable du Bad Seed
Barry Adamson dont le label
Central Control International héberge cet opus) qu'elles se fondent dans des nappes envapées d'harmonies enivrantes (le torturé morceau d'introduction
Asphodel servi par un
James George "Foetus" Thirlwell en grande forme).
Des voix exclusivement masculines, graves et suaves, qui parlent d'un monde urbain en proie aux doutes (le sombre
In Between appuyé par les mots du poète underground
Simonelli ou encore
Midnight Moonbeams, haletant cri du
Black Sifichi), subissant tant d'attaques (le décharné et mécanique
Clearliness is next to godliness déchiré par un
Eugene Robinson plutôt à l'aise loin d'
Oxbow) et méritant tellement la paix (le beaucoup trop court interlude
Defrost_Oven et cette rumeur soufflée par la muse psychédélique
Lisa Smith Klossner qui nous fait glisser vers la partie plus poétique, moins accidentée de cette pleine lune).
Sans écueils (si ce n'est la double présence de
Sifichi, rien contre lui, mais on aurait adoré découvrir un huitième personnage), d'une cohérence quasi-surnaturelle vu l'attirail mis en branle par le duo
Vincenti/Petit, ces morceaux lumineux proposent un beau point de mire à tous les allumés qui voudraient s'aventurer sur cette route...
En n'oubliant pas, au retour, de nous raconter comment, quand ils allaient, nos défricheurs de conscience déjà revenaient, d'autres cordes à leurs arcs et de nouvelles étoiles dans le collimateur (à venir en effet un projet avec les Gênois de
Port-Royal, et
Angel soit
Schneider TM,
Ilpo Vaisänen de
Pan Sonic et
Hildur Gudnadottir de
Mùm).
Chroniqué par
Yvan
le 06/11/2007