Tout est une question de choix, de goûts. Oui ? On en discute, c'est certain. Mais, à un moment, dès le début, peut-être, il faut décider. Dire : "décider", ça ne revient pas à dire : "C'est moi qui décide". C'est là justement que la ligne supposée entre objectivité et subjectivité ne tient plus. Il ne faudrait pas dire : "Je décide", mais : "Quelque chose en moi décide". Pour les lecteurs de Lichtenberg et quelques autres, c'est bien connu : "je pense" moins que "ça pense".
Quel rapport avec la musique ?
Tous les rapports possibles.
Si je rechigne à dire que la musique me parle — au moins parce que je ne crois pas que la musique soit un langage (j'ai des arguments, mais ils n'ont pas lieu d'être ici) —, il y a parfois quelque chose qui se produit dans telle écoute qui, sans crier gare (ne serait-ce pas tout simplement sublime que la musique puisse crier : "Gare!" ?), séduit, attache et fascine. Comme on est raisonnable — on essaie toujours de l'être dans ces cas-là —, on tente de se convaincre que ce qu'on écoute n'est pas original. Et, en fait, avec toute la raison qu'on a, on finirait presque par s'en convaincre : ce n'est pas original. C'est du math-rock, clairement. Car, celui qui voudra entendre
Don Caballero ou
Dilute les entendra. Et, celui qui voudra entendre une forte impression no-wave ou encore des réminiscences de
Bloc Party les entendra.
On se croirait en train de lire la Bible.
Mais, en fait, avec toute la déraison qu'on a, on se lasse de cette conviction. On y revient : "
Foals, c'est quand même terrible". Oui, ça l'est. Ça ne veut rien dire. Si ce n'est qu'il y a dans cette façon de hurler avec l'accent d'Oxford (j'imagine que c'est ça l'accent d'un chanteur d'Oxford comme le groupe est d'Oxford) : "Un peu d'air sur la terre / D'air sur la / D'air sur la / D'air sur la terre" sur
The french open quelque chose qui ne peut tout simplement pas laisser indifférent. Sur le fond de riffs de guitare à faire saigner tes doigts et d'un rythme dance-core ou dance-punk ou dance-tout-ce-que-tu-voudras-on-s'en-fout-ça-fait-du-bruit. Parce que c'est ça en fait la spécificité de
Foals, spécificité assénée moins à force de subtilité qu'à grands coups de riffs, beats qui deviennent binaires, textes débités, voix éraillée, synthé ne lâchant pas les guitares d'une mesure (
Hummer). Sur fond de riffs répétitifs et de tom basse martelé, quand le groupe scande en chœur "papa la papa la papa la papa", au cœur d'un de ces titres qui commencent comme du
Battles et finit par n'y plus ressembler parce que ça n'a jamais été le but du tout, mais bien plutôt de te faire bouger sans t'abrutir, on comprend ce qui se joue dans cette musique : injecter de la simplicité dans le math-rock, y mettre toute l'énergie qu'on peut et envoyer ça se faire voir on sait trop où (
Two steps twice). Pas concilier, mais allier des tendances, des obsessions (celle du riff, celle du refrain) qui ont l'air inconciliables et pulvériser ça comme des records que ces mathlètes que sont
Foals se fixeraient en ligne de mire (
Mathletics).
Tous les records ont d'abord l'air impossibles à battre. Et puis, ils sont battus. Comme avec
Foals et toute la fougue du
Live.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 31/10/2007