Miss France, Samplers et Artisanat...
Gratifié de la note maximale en finale du championnat DMC 2002, le japonais
Kentaro n'est pas manchot avec une paire de Technics. Soit. Mais faut-il absolument faire produire un album (au moins) à chaque lauréat de cette épreuve ? N'est-ce pas rapprocher dangereusement la création musicale d'un business à millésime comme les Miss France et les Star Academyciens ? Ben si, justement. Mais n'accablons pas le pauvre
Kentaro, il n'y est sans doute pour rien.
En revanche, il est certainement responsable de la bonne qualité d'ensemble de son album. Porté par des featurings prestigieux (c'est-à-dire des gens connus qui viennent causer sur la musique),
Enter est sans tache ni faute de goût. Les instrumentations très maîtrisées du DJ font le lit des rimes de Pharcyde, entre autres, et donnent lieu à quelques beaux moments, tel
Free, qui voit Spank Rock donner avec plaisir dans le miami bass le plus racoleur. Mais à l'exception de cette petite audace, de
Hatsuyume et de la perle de swing qu'est
One hand blizzard, il faut reconnaître que le reste de l'album est passablement convenu. Des instrumentaux très honorables, certes, qui n'hésitent pas à embarder et à chatouiller le drum'n bass, mais rien de révolutionnaire.
Faut-il alors juger l'album en tenant compte de la virtuosité de son interprète ? On peut en effet saluer la prouesse technique du Japonais, mais il n'y a pas lieu d'en faire une valeur ajoutée sur le plan artistique (on dit même parfois que les virtuoses sont les pires des interprètes). Par ailleurs, on peut se demander où réside l'intérêt, puisqu'à un tel niveau d'adresse on ne fait plus la différence entre le turntablism et les sampleurs (qui, eux, ne provoquent pas de tendinites).
Ce qui distingue ainsi l'habile artisan qu'est
Kentaro de turntablistes comme
DJ Krush ou
Kid Koala, c'est que ces derniers exploitent les défauts de leur instrument (et de leur méthode) sans chercher à imiter la régularité et la pureté du sampleur; le son grésille, les basses grondent et le scratch secoue les repères du rythme et de la mélodie. En somme, pour profiter pleinement du talent de Kentaro, il vaut sans doute mieux le voir enchaîner les cuts à la vitesse du son (par exemple sur son DVD), car à l'écoute, plus rien ne distingue l'homme et la machine.
Chroniqué par
Hayaji
le 13/07/2007