2Kilos &More

On découvre 2kilos & More , ce duo francilien de laborantins électro - Séverine Krouch et Hugues Villette - alors que chacun d'entre eux a déjà à son actif plus d'une expérience artistique (Ba[j]ka, Somekilos, My Own, [1]Kilo of Black Bondage, la liste est impressionnante).Pour nous ce sera une première rencontre, et avec un certain étonnement on pénètre facilement dans l'intimité d'un monde qu'on sent à la fois intransigeant et sensible. Une sensation qui n'aura de cesse de se préciser tout au long de l'écoute d'un album pour le moins intrigant par le trouble et l'émoi sous tendus à chacune des neuf plages le structurant en un sobre mixte d'ambient et d'électronica. 

Chaque morceau, par delà la noirceur non équivoque qu'il propulse, est porteur de cette once de fragilité, de subtilité qui agit comme un envoûtement (And that's about all so far). Disque mystérieux, 8floors lower se dévoile avec discrétion, diffusant par petite pulsation sa lancinante et sombre beauté, sa lucidité dévastée avec la langueur d'un poison qu'on aurait injecté sciemment. Pour en déceler les atours, considérablement soyeux malgré les apparences, il faut avoir à coeur de se laisser envahir par le venin de ces ambiances tordues et si ambigües où le duo brasse utopie et déception, perspective et capitulation, vanité et partage.

Se laisser emporter par ces sons lointains, comme émanant d'un endroit impalpable et incompressible, aux saveurs étrangement connues, aux différences de tous bords : régions de tempête au détour d'un chemin (With a deer in a red sulfuric bath) ou vallons industrieux désertés au coeur du froid (I was now able to stand upright). Autant de sons absents à force de présence : c'est peut-être là le pari gagné par 2kilos & More, avoir su s'inspirer de ce paradoxe, brisant les rythmes et tordant les mélodies trop noires en plaçant à bon escient des blancs et leurs silences. C'est dans cette mise à nue qui frôle l'abstraction, teintée en clair-obscur, que le duo donne du liant à une production qui associe sans trop d'écart l'esprit et la sensualité, réconciliant technologie et forme d'onirisme ténébreux (After May June, and before Berlin), parsemant de murmures, de chuchotis à peine perceptibles, de longues plages d'emphases sonores quasi lyriques (Tell the One on your Left). Autant de sons qui, bien que nés un à un de leur isolement, donnent à 8floors Lower une unicité bien concrète qui se déroule, comme la bobine d'un fil fragile tendu à l'extrême entre le presque rien et l'infiniment présent, vers quelque chose d'immanquablement humain.

 8floors lower est de ces disques partagés entre torpeur et prise de conscience exacerbée. Avec lui, 2kilos & More nous dessinent, en guise d'avertissement, les contours d'un after à venir (Elles sont mortes, Monsieur !), où chacun vibrera sous une aurore que personne, dans une dernière insouciance, n'aura pris ni le temps ni le risque de regarder une dernière fois.

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