Réédition d'un vinyl paru l'année dernière de façon confidentielle sur le label Merck,
Ludwijka Extended Visit, comme son titre l'indique, revoit le jour chez Shitkatapult agrémenté d'une magistrale neuvième piste d'une quinzaine de minutes. L'occasion de (re)découvrir un album attachant.
Appuyer sur play, c'est un peu comme enfiler sa paire de lunettes 3D et se faire happer par un vieil herbier désseché soudainement transmué en jungle foisonnante. Les premiers petits pas feutrés, sur fond de réminiscences à la
Boards of Canada , s'effectuent dans une sorte de laboratoire pour enfant. Une mixture gélatineuse, bouillonnant au fond d'un erlenmeyer alangui par des nappes au paracétamol, focalise vite l'attention.
La température se met à augmenter subrepticement, les couleurs s'assombrissent, la rythmique se fait plus martiale, rusée. Les bourgeons commencent à palpiter... Un...Deux...
III, ou comment appuyer sur le bouton qui annule la gravitation. Ressenti d'ascension et de chute s'emmêlent. Tout devient immense, aérien. La clarté devient quasi cristalline. Ce sera la seule piste à virer dans les tonalités pastels.
Les deux suivantes (
IV,
V) sont moins végétales, plus urbaines. Quelques instruments organiques font une timide apparition (notes de piano étouffées, réanimées car extraites d'enregistrements de son enfance ; trompette éthérée ressorti par son papa pour l'occasion).
La sixième piste marque le retour à l'exploration phytospatiale. Au programme, visite d'une cathédrale végétale, sorte de biotope luxuriant sous cloche, dans lequel seuls les végétaux et les oiseaux auraient survécus. Ici les bleeps ont adopté la morphologie d'hématies. Les plantes échangent les derniers potins : évapo-transpiration, synthèse chlorophyllienne, reflets châtoyants. Aucun cours de biologie ne pourra être plus explicite que la piste
VIII.
Sorte de field-recording mental, puzzle parsemé de fragments d'enregistrements audios de son enfance,
Ludwijka (village dans lequel
Anders Ilar a grandi) nous est offert comme un album très intime, aux tonalités végétales, contemplatives, mais trop innervées et sanguines pour être ambient.
Les critiques parlent fréquemment d'un album sombre. Il n'en est rien. Les sonorités sont ouatées, enveloppantes, les couleurs, chaudes, survitaminées. Il n'y a que les blancs qui soient absents. L'album a beau présenté 9 pistes, à l'écoute il n'y en a qu'une.
Pour les amateurs de
Tim Hecker et
Jan Jelinek, un album qui s'annonce comme un des meilleurs crus de 2007.
Chroniqué par
P3yolt
le 18/05/2007