Bat For Lashes, groupe initialement repéré outre-atlantique pour évoluer dans le giron de
Devendra Banhart, assume un héritage réfléchi des années 60 et 70, tant dans l’esthétique scénique que dans l’instrumentation. Mais ceci avec toute l’intelligence d’une Natasha Khan dont la douce folie ne nous embarque pas dans un rock rétro. Vêtue de longues tuniques fleuries, cheveux noués par un large bandeau, joues barrées de peinture indienne, la chanteuse de
Bat For Lashes se fait chamane.
Dès le premier titre,
Horse & I, un clavecin crispé sur une ligne, plus tard accompagné d’ondes Martenot, donne le ton. Si les tambours dessinent une marche dont nous suivons mécaniquement le mouvement, c’est principalement la voix suave et définitivement sexy de Natasha Khan qui nous conduit. Véritable incantation à deux voix,
Trophy est une confirmation de cette esthétique mystique.
Une des grandes qualités de
Fur & Gold est sa richesse instrumentale. Les genres sont ici disputés jusqu’à perdre toute pertinence. Entre les ballades au piano, proches des Métamorphoses de
Philip Glass (
Tahiti), l’electro-pop rythmée de
What’s A Girl To Do ?, les accointances avec le
Let It Die de
Feist (
Sad Eyes,
Seal Jubilee,
Prescilla) ou les accents de
Björk, ainsi que le recours à des instruments hors du temps (clavecin, harpe), nous devrions logiquement perdre pied.
C’est sans compter sur la sagesse de Natasha Khan et son fort pouvoir de séduction : elle guide avec finesse une instrumentation dominée par l’art de la distillation. Goutte-à-goutte, parcimonie, économie réfléchie, minimalisme toujours pertinent. Chant envoûtant, mélodies dramatiques : les lignes de force de
Fur & Gold sont là.
Wizard en est probablement le plus bel exemple. Superbe balade sortie des sombres clairières, enchantées et enchanteresses, elle nous révèle tout le pouvoir du timbre de Khan. Celle-ci semble ne pas tricher avec nous. Elle n’est pas dans un rôle de composition lorsqu’elle joue avec les codes vestimentaires, la gestuelle et les sons des années 60, qu’elle conjugue en finesse avec une electronica plus contemporaine. Chose rare, Khan est une fée, une magicienne.
Chroniqué par
Igor
le 11/03/2007