Minx, le deuxième album de
Marsmobil , groupe de Munich, a la particularité d'avoir été coproduit par deux labels électro
Compost et
G-stone (label de
Kruder & Dorfmeister). Mais il est surtout issu du cerveau pluriel de
Roberto di Gioia, leader du groupe, artiste milanais protéiforme et inclassable de son état. Pianiste issu du classique, assorti de références plaquées or et rubis , il a travaillé aux côtés d'une myriade de jazzmen américains plus respectables et respectés les uns que les autres (
Art Farmer,
Clark Terry,
Gary Peacock) et aura au passage, sur son temps libre, intégré accessoirement les combos
The Notwist ou encore
Console, rien que ça ! En somme du gros, du lourd, CV blindé de lauriers, tout ça, tout ça. Rien qui ne puisse nous laisser présager de ce qui allait suivre, notre écoute de la dernière production du monsieur, le bien nommé
Minx.
Minx, ou la débauchée, en français. Tout un programme en perspective. Et pourtant au premier abord rien de bien déroutant, mis-à-part cette sensation de déjà-vu. Dans ces cas là, on se fait souvent trop vite une idée, à priori et jugements de valeurs à la clef (
Air et
Talk Talk, influences revendiquées par
Di Gioia, pour la démarche electro popisante,
Burt Bacharach et
Ennio Morricone pour les frou-frous orchestraux). Puis le temps passant, on se recroise et à force de rencontre, se dévoilent, non sans une certaine pointe de sensualité, des attraits mélodiques insoupçonnés. Jusqu'à ce soir fatidique de janvier - c'est souvent le soir que les évènements sont fatals - où sous l'impulsion de l'entremetteur
Di Gioia (De Joie en français...j'aurais dû me méfier!), une dernière rencontre est envisagée avec la belle. Et là, dès les premières notes, les perceptions changent du tout au tout. La connivence devient palpable dans ses moindres recoins. En doux préliminaire, monte une ambiance qui, bien que familière, me magnétise. Et sans que j'ai pu dire "ouf!"
(Magnetizing, gratte sèche, flûte jazzy), je sens l'
Air me caresser la nuque. C'est alors qu'elle déroule un calicot de velour annonçant le programme à venir: envoûtement à tous les étages. Sans transition aucune, m'entourant du doux tissu, elle entreprend l'effeuillage de nos corps dont les premiers contours se dévoilent. A l'affût du moindre de ses murmures (
Martine Rojine, et sa voix lisse et chaude comme la sève (
Beth Gibbons a du soucis à se faire) ; j'essaie de ne pas perdre la raison devant ses cambrures astrales hallucinantes (le très jazzy
Astralbody, proche des productions du marseillais
Alif Tree, un voisin de label). Et c'est là, coup de théâtre surréaliste que Gainsbarre, le Serge en personne, traverse, un brin allumé, la pièce. Une apparition fugace entre volutes de fumée et fantômes lubriques, comme au bon vieux temps où il zonait dans sa Silver Ghost 1910, d'hôtels particuliers en rades clandestins de bord de quai (
Call me et sa Mélody pimpante,où les virgules de grattes électriques nous propulsent, infrabasses trip-hop à l'appui, quartier des Vierges Suicidées - tandis que
Dark Star et son air bossanova de ne pas y toucher, nous paume littérallement dans la baie de Rio). A ce moment là de la soirée, la danseuse stellaire prend définitivement les choses en main. C'est en français que ma polyglotte, à demi nue, m'interpelle et m'emmène marche après marche, au 1° étage, là où tout se passe, là où les questions se posent (
Je suis lâche, où dans un décorum de westerns spaghettis, digne du meilleur Corbucci, éclate un florilège de petites phrases susurrées, petites comètes synthétiques et soniques bien vintage). Et c'est dans une explosion quasi mystique, climax mental et physique qu'on finit par basculer vers l'orgasme (le Beatlessien
Lily Blossom et le psychédélique
Reversed Mantra sont proprement extatiques). Complètement azimuté, vautré dans un canapé onctueux, nu et serein, je me réveille pour entrevoir, d'un côté, quelques sucreries étalées en vrac sur un plateau de verre (
Magia Amore petit plaisir d'italo-pop retro) et, de l'autre, à peine surpris, la débauchée ondulante se rhabillant pour s'approcher. Et d'un clin d'oeil regagner la ligne d'horizon, là-bas, entre ailleurs et nulle part (
From elsewhere to nowhere, joli final en instru electronica). Juste entre ma plume et mon cerveau.
Alors,
Minx de
Marsmobil, objet de débauche? De désir et de jouissance certainement. Mais bon, tout n'est qu'affaire de point de vue. Même avec des faits à l'appui, tout cela reste un angle d'approche parmi tant d'autres. J'aurais pu attaquer cet album autrement, en vous racontant que
Marsmobil est connu en Allemagne pour avoir composé
Munich Loves You, hymne de la dernière coupe du monde de football. Mais je crois que le courage m'a manqué. Oh je sais! La chair est faible. Et je suis trop gourmand. Mais pourquoi aurais-je dû lutter? Comment ça où je vais? Ben, j'y retourne, voyons!
Chroniqué par
Yvan
le 01/02/2007