Je ne sais trop quel espèce de décor voulait planter
Richard Devine en introduisant son album. Certains y verraient la manufacture high-tech d'un film au scénario futuriste, le genre d'enceinte disproportionnée faite de clignoteries et autres facéties fumigèneuses. D'autres pourraient y deviner les couloirs mal éclairés d'un lugubre vaisseau spatial. Bon, une chose est sûre, y'a rien de vraiment mélodique là dedans, rien que vous seriez tentés de claironner en faisant la vaisselle. C'est... comment dire ? Visuel. L'idée peut paraître saugrenue mais non. On a beau tortiller du cul, impossible d'y déceler ne serait-ce qu'une once de musicalité, ce morceau est purement visuel.
C'est donc à
Sigstop qu'est confié la tâche de nous initier à la musique de
Devine. Ben ouais, pour le coup, avec l'univers, c'était déjà fait. Le ton est posé dès la première mesure : Un beat excité, des sons qui virevoltent frénétiquement autour de notre tronche ébahie, et qui finiront par copuler dans une apothéose chaotique de sinusoïdales éjaculant leur electronica de synthèse avec l'ardeur d'un breakcore en rut. Devine est furieux. Contre quoi ? J'en sais foutrement rien mais au moins, vous voilà prévenus : ne s'aventure pas dans son monde qui veut.
Pour ceux qui seraient tentés de rester, vous aurez donc droit à l'une des oeuvres électronique les plus techniquement abouties du moment. Accouché à la suite de trois albums chez
Schematic, ce petit dernier façonne la complexité avec toujours autant d'entrain mais une virtuosité grandie. Il alterne électrocutions auditives et ambiances cérébrales, pour un rendu qui n'est ni plus ni moins qu'un recueil de contes de science-fiction, comme un appel lancé à notre imaginaire pour réveiller ce penchant – à supposer qu'il était un tant soit peu endormi – que nous avions étant gosses, pour nous inventer continuellement des histoires à partir de pas grand chose, un ver de terre, un jouet, une chanson. Voilà pour moi ce que ça donne : Des milliers de bestioles électroniques grouillantes qui investissent chaque week end le dancefloor de la boîte interstellaire
Arc-Acid ; la mort tragique de
Parsec, condamné à hanter jusqu'à la fin des temps son module de reconnaissance planétaire perdu au fin fond de la galaxie ; la première expérience de neuro-croissance rapide, vécue de l'intérieur par un humanoïde à la solde des savants du labo
Matvec Interior et de ce taré d'
Otto Von Schirach; ou encore le doux bruit des forêts virtuelles
Vc-Dimension, après une dure journée passée à s'abrutir au son des battements robotiques de la fabrique
Rsl-Com.
En somme,
Cautella, c'est quand même une bonne partie de plaisir. Mais on pourra craindre qu'à force de trop miser sur la technologie, notre petit
Devine ne finisse par s'enfermer dans ce qui pourrait sûrement constituer le son d'une époque, au point de lui enlever tout espoir de la dépasser dès qu'on sera capable de mieux, un peu à l'image d'un processeur qui ne serait plus bon qu'à jeter face à l'arrivée d'une toute nouvelle génération. Les puristes vous le diront, un timbre oldschool n'est pas si dérangeant que ça si la compo en vaut la peine. Mais qu'en sera t'il de morceaux dont le principal intérêt résidait dans la maîtrise technique qu'ils nous envoyait bien cordialement à la gueule ? Enfin, bon. Une critique qui n'en est pas vraiment une car à notre ère de boulimie culturelle et de consumérisme de l'éphémère, qui pourrait encore oser prétendre à la postérité ? En attendant, mettons donc ces considérations de côté pour nous laisser bluffer par un album capable de surprendre nos sens comme peu d'autres savent le faire.
Chroniqué par
Tehanor
le 02/11/2006