Dans la tourmente phonographique actuelle, orchestrée par un certain monopole des distributeurs de musique rapidement consommable, on remarque une volonté locale, dispersée certes, mais courageuse, de proposer aux jeunes artistes alternatifs un réseau de distribution qui ne les trahisse pas. Le défi relevé par le label
Trees Are Dragons, qui fait émerger en avril 2006 sur la scène polonaise le créateur électro
JaaBaaRoid, en présentant son premier album,
To Make A Sound, mérite l’attention.
Tout commence par une flopée de pistes courtes, cherchant dans le son pur et même ses imperfections une sorte de porte d’entrée, un peu comme pour faire entrer d’abord le silence.
JaaBaaRoid cherche ainsi à nous introduire dans un monde clos, imagé, qui rappelle parfois les ambiances de
Laudanum. A l’écoute, malgré les imperfections du mixage qui laissent parfois de coté la voix, et la noient dans une nuée de sons électroniques aux harmonies surprenantes, on peut apprécier une certaine recherche dans le partage du champ sonore entre voix humaine et paroles d’un côté, et sons synthétisés de l’autre. De sa voix à la fois cassée et suave, l'artiste évoque comme une fascination pour l’ampleur des possibilités de création de sons nouveaux, et les effets de ces expérimentations sur l’auditeur. Epuisant ses thèmes musicaux dans une suite méthodique d’arrangements ingénieux et inattendus ainsi que dans des transitions rythmiques audacieuses, parfois un peu au bord de l’abîme du choquant,
JaaBaaRoid exerce une plongée ambitieuse dans les possibilités encore inexplorées de la création sonore, tout en rendant prégnante son attache au style trip-hop en tant que tel.
Partant d’un sentier bien rebattu, il semble apprécier les sons avec une forme d’innocence, qui ne l’enferme pas dans une étiquette particulière, ce qui permet par là d’amplifier le pouvoir évocateur des sons ; au fur et à mesure de l’écoute, on a l’impression de redécouvrir à quel point les sons peuvent évoquer des images diverses, inédites et frappantes, au-delà du tangible, à condition qu’on considère chacun d’entre eux comme digne d’une certaine utilisation dans un morceau, sans aucun a priori – posé par quelque style ou académie.
Chroniqué par
Lou
le 12/09/2006