La musique de
Wolf Parade est une musique qui emplit l’espace : c’est son principal caractère, esquissé dès le magistral morceau d’ouverture. Rien d’inédit ou de particulièrement singulier, mais l’impression est forte et immédiate, et ne se démentira pas par la suite.
Après une gracieuse mélopée (
Modern world), qui complète et conclut cette engageante introduction,
Wolf Parade se déchaîne et décoche un cortège de titres d’une efficacité épique. Principalement constituée de mélodies fracassantes, mais qui ne tentent en rien de singer une quelconque tradition
noisy pop, la pop de
Wolf Parade dessine une musique composée de lignes mélodiques interférentes et redondantes qui produisent une surcharge sonore, sans pourtant jamais se déprendre de la légèreté et de l’élégance qui lui confèrent son caractère fondamentalement pop. Le maximalisme de la pop de
Wolf Parade, sa densité, sa saturation semblent le gage de sa légèreté et de sa vélocité : une formule assurément séduisante. Et pourtant, une certaine retenue dans la composition se fait par instants ressentir, qui laisse l’impression tenace que
Wolf Parade n’a pas encore laissé exploser toutes ses possibilités. Sans augurer quoi que ce soit pour l’avenir, leur horizon semble néanmoins pleinement ouvert et riche de potentiel, pas totalement exploité ici : c’est ce dont il faut se réjouir, assurément.
Evidemment, on pourra relever quelques faiblesses, inhérentes à ce genre d’œuvres, à la fois entreprenantes et pourtant encore réservées. Sur la longueur de l’album, le chant peut paraître assez monocorde, malgré son expressivité indéniable. Pas un défaut en soi, tant ces parties vocales participent à la musicalité de l’album, elles lui confèrent toutefois un aspect quelque peu monolithique lors des premières écoutes.
Quelques morceaux se révèlent également plus faibles, lorsque le tempo ralentit notamment (
Same ghost every night,
Dinner bells). Bien qu’ils ne revêtent pas qu’une simple fonction de remplissage, ils sont moins marquants, et ne semblent avoir d’utilité que celle de laisser à l’auditeur le temps de reprendre son souffle.
Qu’on ne s’y trompe pas, donc,
Apologies to the queen mary est avant tout un album efficace et entraînant, inventif et immédiat.
Wolf Parade participe, avec
Arcade Fire et surtout
Broken Social Scene, à la perpétuation et au renouvellement de la musique pop/rock, loin des références écrasantes du genre. Cette scène canadienne (qui possède une unité plus géographique que stylistique) se porte à la pointe de l’actualité de ce genre, de son actualisation, et montre que l’effort musical du lointain Canada ne peut en aucun cas être réduit à un avant-rock déjà quelque peu fourbu.
Chroniqué par
Shoegazer & Mathias
le 26/05/2006