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Gregor Samsa

: 55:12



sortie : 2006
label : Own Records
style : Post Rock

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Tracklist :
1/ Makeshift shleters
2/ Even numbers
3/ What can I can manage
4/ Loud and clear
5/ These points balance
6/ Young and old
7/ We'll lean that way forever
8/ Lessening


D’aucuns pourraient dire que le post-rock devient stérile : à force de reproduire les mêmes modèles d’arpèges mélodiquement expérimentaux à la guitare électrique, dans la lignée de Godspeed You ! Black Emperor et Explosions in the Sky, par exemple, on ressent parfois une approche par trop « technique » de ce mouvement, et il semble qu’on reproduit « à l’industrielle » des schémas déjà usités.

Pourtant, Gregor Samsa parvient dans son 2è album, 55:12, sorti chez Own Records/Differ-ant, à donner à cet univers un peu banalisé un sens bien à lui.
D’abord, il s’agit de trouver un fond novateur à ces pérégrinations guitaristiques. Avec Gregor Samsa, on se sent pénétrer dans une grande cathédrale – d’ailleurs on entend parfois, en fond, des sons profonds et pleins qui font l’effet de chœurs d’églises et même d’un orgue… L’entrée dans ce grand édifice est concrétisée par une voix masculine, douce et mélancolique, et secondée par un souffle féminin soupirant ; deux flux rompent le brouillard et dessinent des silhouettes de tout le paysage musical de Gregor Samsa. Les lyrics tiennent du sentiment confus d’un rapport à l’autre dont on ne peut dire que this is it. Pour passer du brouillard à la clarté, il faut justement que la musique s’assimile à un souffle. Deux orientations à ces voix : d’un coté, un chant transparent et fluide autant que pénétrant, et de l’autre une insistance fraîche de la voix féminine. La musique semble épancher le désir d’indicible, et constituer un monde de représentations dense, mais nuageux, parce qu’ineffable. Le temps se masque pour se faire son et craquement, dans un paysage qui longe le chemin vers les intentions de Gregor Samsa. Au cours de cette marche lente et dénuée de toute assise et de tout passé, la résonance des sons se fait cruciale pour apprécier l’étendue de l’univers proposé au cours de ces quelques minutes d’écoute. Les crescendos et les ruptures sont à peine marqués et peut-être même trop peu surprenants, tant ils entrent en harmonie avec la recherche globale de l’album. La profondeur du tableau est soudain rehaussée d’une mélodie solennelle au violon et au violoncelle, qui permet de nourrir les multiples dimensions du thème épuré qui ouvrait le morceau. A chaque fois, c’est la guitare qui donne comme des balises discrètes à une progression respiratoire, non pas haletante mais soupirante, secondée par une voix mourante qui scande le crépuscule d’un paysage noyé dans la brume de l’expérimentation. Les voix ne sont pas des instruments comme les autres, dans la mesure où elles font le point d’accès à cette musique. Les paroles, initiées par la voix soufflante de Champ Bennett et secondées par la rondeur froide des vocalises de Nikki King, font comme une direction verticale autour d’une étendue musicale hypnotisante où on avoisine la perdition, malgré la simplicité des thèmes. Les répétitions apparaissent comme la redécouverte d’une parcelle de cette atmosphère, selon un autre point de vue, comme pour initier l’oreille à se faire aussi regard, et découverte attentive, et pour s’échapper du « déjà-entendu », ce qui montre que chaque écoute est un accès nouveau à ce que représente une musique pour nous, et un accès à un mélange magique entre un soi-même fuyant et un son dont on ne peut rien dire « en soi ».

En même temps, la pesanteur calmement tourmentée est étonnamment suggestive : elle évoque une ATTENTE. Dans le morceau Young and Old, il y a au moins cinq fins. En fait, la dissociation et l’épuration apparente de chaque son au sein de cette mélodie qui prend son temps pour apparaître, amènent en fait l’auditeur à toute la profondeur du silence, et son poids, autant qu’on daigne l’écouter. Chaque phrase est ponctuée d’une rareté sonore quasiment méditative. Cette maturation lente réduit le risque de reproduction aveugle de ce qui s’est déjà fait. Le nouveau prend son temps pour se révéler. Ainsi chaque instrument oriente le tout vers quelque chose à quoi il offre toute sa richesse de ce qu’offre sa maîtrise. Tout est loud and clear. Au delà de l’ouverture à la désolation, cet album est une preuve que ce à quoi on a déjà donné une définition et une fonction précise et figée, a besoin de cette définition pour se définir par soi-même, en s’émancipant de toute étiquette.


Chroniqué par Lou
le 21/05/2006

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