Various Artists

Amateurs de beats ensoleillés, et autres ambiances ibizesques passez votre chemin, parce que d’exotique cette compilation ne porte que le nom. Au menu atmosphères lourdes, enfumées, pesantes, parfois inquiétantes mais très souvent captivantes.
Bienvenue à Malmö, fief du label 247 Records qui dédie le gros de ses activités à l’édition en pressage vinyle de classiques essentiellement West coast , avec récemment les sorties notables du Secretive Operative de Subtitle et Livin'la vida boo hoo d’Existereo & Barfly . Une écurie qui présente depuis peu de nouveaux faits d’armes en hébergeant notamment un prolifique collectif d’autochtones, Out Of The Blue Crew. Collectif où sévissent notamment Nadasdi, Pashi, Porter et Prosperous (aka Comb) deux MC's/producteurs aux cv impressionnants (même si la distribution reste assez confidentielle), et c’est ici surtout de ces derniers dont il est question.

Largement plébiscités lors de leur premier volet Amphibian swap sorti en 2004 Porter et Prosperous nos deux larrons Göteborgeois, principaux ciments de ce Swap project remettent ça avec Tropiczone Swap qui utilise les mêmes ingrédients que son prédécesseur. Sur cet compilation où partouzent musicalement un peu plus d’une vingtaine d’artistes, flottent pas moins de 5 drapeaux différents (suédois, finlandais, américain, britannique et japonais). Outre nos deux gourous susnommés on note la présence de plusieurs ambassadeurs du hip hop baltique Nadasni, CSM et Ceebrolistics principalement. Si le nom de ces (presque?) anonymes mécènes scandinaves ne vous émoustillent pas plus que ça, sachez que le gros du casting ne s’arrête pas là puisque en effet défile une des plus belles armadas de canonniers californiens. A l’affiche on retrouve donc entre autres Abstract Rude(Project Blowed, Abstract Tribe Unique), Subtitle (Lab Waste), Radioinactive, Orko (du "feu" Global Phlowtation, NMS) ou encore l’électron libre Die Young (The Chainsmokers, Shapeshifters...).Vous voyez peut être une énième compilation mais l’étiqueter comme telle serait vraiment réducteur, car ici chaque titre est inédit et c’est en véritable consortium artistique que Tropiczone Swap se présente et tous ses acteurs peuvent se targuer d’avoir réussi à adopter le temps d’un album une ligne de conduite commune sans gommer la manne artistique de chacun.

On ouvre le bal avec une intro de Porter, remarqué sur You Said d’Amphibian Swap, assez banale, et bientôt reléguée au rang d’anecdote, balayée par un Regular Operations hors concours, véritable comète de ce second volet. Une instru électro-aquatique, qui noie l’auditeur sous le flow acerbe et nonchalant de Prosperous et celui plus mécano-numérique de Subtitle. Un titre timeproof, impérissable, imperméable à l’érosion du temps et qui risque fort de laisser quelques cicatrices sur vos platines. Pour un peu il ferait presque oublier la performance somme toute très honnête d’Abstract Rude et Nadasdi sur The Tropical Zone. Le flambeau est largement tenu sur d’authentiques réussites tel que Our Music du même bois sur le plan qualitatif mais clairement emprunt de l’identité artistique de son auteur Dday One qui lui confère un accent dramaturgique propre au cinéma, que l’on retrouve largement sur son premier Jet Loop Extensions sorti en 2005. Ce titre distille un magnétisme imparable avec sa ligne de basse teintée de jazz qui flirt avec un sample mélancolique de saxophone subtilement dosé. Sur Hurricane Canting Nadasdi et Orko se glissent aisément dans le peloton de tête car Orko se montre ici beaucoup plus bavard que sur ces dernièrs CD-R, et cette incursion microphonique montre qu’il n’a rien perdu de sa verve. L’auditeur se retrouve rapidement pris en sandwich entre le flow prophétique d’Orko et son beat martial, un titre haletant tenu avec maestria pendant 5 minutes par nos deux comparses. On retrouve quelques plages plus loin Nadasdi, qui se colle seul à l’exercice sur Life = Love et visiblement l’homme n’a besoin de personne pour tenir la dragée haute à ses acolytes américains. S’en suit une pléiade de titres plus savoureux les uns que les autres, disséminés ici ou là, avec l’énorme Fun With The Wood des trop méconnus CSM, instrumental nappé d’un sample de flûte japonisant, Silverbullet et son refrain hypnotique, l'entêtant Illusion swapping où l’on retrouve la griffe de Prosperous à la prod et au micro, le psychédélique Fadding Sess , ou encore le beat herculéen de Rough Masters avec un Innaspace dans un forme olympique.

Une mention également à des titres comme From Sweden To Cali, Black Butterfly, Wild Ride par Nocando (MC remarqué lors du Scribble Jam 2005 et poulain du tentaculaire Project Blowed) qui malgré une facture plus qu’honorable souffrent de la comparaison avec toutes les pépites dont regorge cette épopée intercontinentale. Quelques petits bémols sur Radios files par exemple où Radioinactive et Prosperous arrivent tout juste à relever le niveau d’une instru fatiguée et fatiguante mais on pourrait également évoqué le pâle remix des Ceebrolistics ou encore le passable Voices In My Head d’E-wan et des gâchettes Disflex6 habituellement plus aiguisées.

Mais soyons fair-play Tropiczone Swap est un monument ou en tout cas tend à le devenir au même titre que le Beneath the Surface d’Omid car les perles parsemées tout au long des vingt deux titres colmatent largement certaines prods un peu en deçà. Saluons comme il se doit le travail de titan de Prosperous et Porter qui espérons le donnera plus d’écho à leurs talents indiscutables.

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